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La dynamique du yuan

Selon Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management, la dynamique de la Chine est très rapide, son accumulation de réserves de change effrayante ainsi que sa capacité à déstabiliser ou à stabiliser les constructions globales…

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Le développement de l’économie chinoise a été très rapide depuis son entrée à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en décembre 2001. A partir de cette nouvelle étape, son implication dans le commerce international s’est accrue de façon spectaculaire. Au fil des années, la Chine est devenue un partenaire obligé pour l’ensemble des pays de la région. C’est aussi un point de passage vers l’Europe et les États-Unis. En effet, pour de nombreux pays asiatiques, le commerce vers la Chine et ensuite vers les États-Unis s’est substitué à des échanges directs avec l’économie américaine. Progressivement mais rapidement, la Chine est devenue le principal partenaire commercial des pays de la zone Asie au détriment des États-Unis.

Un poids grandissant dans les échanges internationaux

La Chine a ainsi disposé d’un poids considérable dans les échanges internationaux. Dans une phase de développement rapide, cette configuration s’est traduite par l’apparition d’un excédent commercial durable mais également par l’accumulation spectaculaire de réserves de change en contrepartie. En raison de l’échelle de ses échanges et du montant astronomique de ses réserves, la Chine est un acteur majeur de l’économie mondiale. Elle a disposé très tôt d’un poids économique et financier qui en ont fait un acteur spécifique. La Chine est ainsi un témoin du temps qui s’accélère. Lors de la crise asiatique, à la fin des années 1990, elle n’a pas eu de rôle prépondérant. 13 ans plus tard, l’économie globale ne peut plus s’imaginer sans elle. Cette taille lui donne des moyens d’interventions considérables. Elle tisse des liens partout dans le monde, aussi bien en Afrique qu’en Amérique latine. Elle développe et accentue l’idée de rapprochement avec les pays du Sud sans devenir dépendant des pays du Nord. Ce changement est radical en raison de son échelle. Ainsi, elle est devenue rapidement l’un des premiers, voire le premier partenaire commercial du Brésil. La Chine a aussi développé avec les États-Unis des relations particulières. Dans sa phase de développement, l’économie américaine est devenue très vite une cible pour les produits chinois.

Le poids des importations en provenance de Chine dans les importations américaines s’est accru, passant à plus de 18 % à la fin de la première décennie 2000. Dans le même temps, les excédents financiers chinois sont venus envahir le marché de la dette américaine, faisant pression à la baisse sur l’ensemble de la structure des taux d’intérêt. Francis et Veronica Warnock [1] montraient en 2006 que cet afflux de capitaux avait permis de réduire les taux à 10 ans aux États-Unis de près de 90 points de base. Les flux en provenance de Chine étaient déjà très importants.

Vers un nouvel équilibre : Chine versus États-Unis

Un nouvel équilibre entre la Chine et les États-Unis se dégage. Il s’opère en deux temps prenant comme point de référence le déficit extérieur considérable des États-Unis qui traduit un manque d’épargne par rapport à l’investissement. L’ajustement de l’économie américaine peut se faire par une hausse de son épargne ou une baisse de l’investissement. Une telle situation n’est pas favorable à l’économie chinoise puisque ses échanges avec les États-Unis progressent lui permettant une croissance robuste. La Chine a donc tout intérêt à apporter de l’épargne aux États-Unis sous forme de flux financiers afin de ne pas forcer, ni accélérer l’ajustement américain. Si l’épargne manque, elle ne viendra pas des États-Unis mais de la Chine.
De la sorte, l’économie américaine peut continuer de croître et de consommer sans trop se soucier de son déséquilibre extérieur.

Cette représentation de l’économie a ses limites puisqu’elle traduit et s’inscrit dans une dépendance de l’un par rapport à l’autre. Cette relation n’est cependant pas symétrique puisque le marché se développe rapidement en Chine attirant les investissements et créant ainsi un ressentiment fort aux États-Unis. Cet arrangement implicite entre Chinois et Américains est viable à court terme mais certainement pas à moyen et long terme. L’accumulation de réserves de change reflète une situation déséquilibrée et probablement une dynamique concurrentielle excessive des Chinois.
Pour avoir des échanges plus équilibrés, il est probablement nécessaire que le prix des échanges se modifie en faveur d’une appréciation du yuan par rapport au dollar. La revalorisation de la monnaie chinoise serait probablement souhaitable. C’est l’effet de pressions récurrentes des états-Unis.
Cependant, la mise en place d’une telle évolution n’est pas simple. Si l’utilisation de la monnaie chinoise est aujourd’hui plus intense, elle ne possède pas encore toutes les caractéristiques d’une monnaie convertible.
Les Chinois semblent vouloir rééquilibrer leur modèle de croissance et développer leurs marchés financiers avant de libérer complètement la valeur de leur monnaie. Cela prendra forcément du temps. De plus, les Chinois ont en mémoire l’expérience japonaise. Ils ne souhaitent pas que leur monnaie s’apprécie trop brusquement comme ce fût le cas de la monnaie japonaise. Depuis les années 1970, ils considèrent qu’avec cette appréciation forcée du yen, la croissance japonaise a été étouffée. Ils ne veulent pas connaître une telle mésaventure.

La Chine au coeur du système monétaire international ?

Si le yuan s’appréciait de façon significative avec progressivement les attributs d’une monnaie internationale, se poserait alors la question de la forme du système monétaire international. D’ailleurs sur ce point, il y a une sorte d’anomalie par rapport à l’Histoire. Le poids de la Chine s’accroît rapidement dans le PIB mondial et sa monnaie devrait en conséquence voir son utilisation augmenter rapidement. Cette utilisation s’accroît fortement mais les montants ne reflètent pas, loin de là, le poids de la Chine dans le commerce mondial.
Le point de départ pourrait être le moment où le PIB chinois surpassera le PIB américain. Historiquement, la puissance des Américains s’est affirmée par rapport à celle des Anglais lorsque le PIB américain a dépassé à son tour celui de l’Angleterre en 1872. Le PIB chinois pourrait dépasser celui des États-Unis dans la décennie 2020.
Cette première étape passée, les monnaies peuvent entrer en concurrence. Dans le rapport de force entre les Américains et les Anglais, cette situation de concurrence des monnaies s’est mise en place après la 1re guerre mondiale. Le dollar a pris le pas sur la livre sterling après la 2nde guerre mondiale. Actuellement, le système monétaire international est basé principalement sur le dollar et sur l’euro. Il faut donc aussi imaginer une étape où la Chine supplantera la zone euro et où sa monnaie rentrera en concurrence avec l’euro.
Une concurrence à 3 monnaies avec le dollar, l’euro et le yuan peut être envisagée.

Conclusion

La situation pourrait néanmoins évoluer plus vite car les références du passé sont difficilement recyclables actuellement. La dynamique de la Chine est très rapide, son accumulation de réserves de change effrayante ainsi que sa capacité à déstabiliser ou à stabiliser les constructions globales. Il sera probablement nécessaire que les Chinois prennent la mesure de leur pouvoir et davantage de responsabilités dans la marche des affaires mondiales. Le monde aura alors changé de façon radicale et probablement durable. Aux Européens et aux Américains de faire en sorte que cette situation ne soit pas déterministe en pénalisant durablement la situation des pays développés.

Philippe Waechter Novembre 2011

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Notes

[1] Francis et Veronica Warnock : “International Capital Flows and U.S. Interest Rates” - NBER Working Paper No. 12560 October 2006.

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