Récemment, à la stabilité macroéconomique se sont ajoutés deux objectifs, la stabilité financière et le financement des États :
- non seulement les banques centrales développent des outils pour détecter des signes d’excès sur les marchés financiers (levier démesuré, hausse anormale des prix des actifs, …), mais elles précisent désormais qu’elles ne doivent plus rester sans rien faire face aux risques financiers ; c’est là évidemment un changement de paradigme par rapport à « l’ère Greenspan » ;
- parce que l’austérité fiscale est coûteuse en croissance, plusieurs banques centrales ont explicitement ou implicitement décidé d’acheter des obligations afin de diminuer le coût de financement de la dette publique, et ce faisant assurer une trajectoire de désendettement des États.
Ces trois objectifs (stabilité macroéconomique/stabilité financière/financement des États) sont cependant incompatibles : si les banques centrales privilégient la stabilité macroéconomique et le financement des États, le risque est l’occurrence de bulle ; si elles privilégient la stabilité financière et le financement des États, le risque est alors que la reprise macroéconomique soit insuffisante.
Les marchés doivent faire l’apprentissage des nouvelles « fonctions de réaction » des banques centrales
Ainsi, la politique monétaire se « redéploie » : non seulement, les banques centrales poursuivent simultanément plusieurs objectifs, mais pour ce faire, elles ont décidé d’utiliser plusieurs instruments. Alors qu’elles n’avaient recours avant qu’aux seuls taux directeurs, elles utilisent désormais le forward guidance, l’ensemble de la courbe des taux et singulièrement les taux longs. Le paradoxe est que les banques centrales des pays développés ont finalement imité les banques centrales des pays émergents avec des fonctions de réaction plus complexes et un arsenal monétaire plus ample.
Bien que les banques centrales soient transparentes et lisibles, les marchés financiers vont devoir faire l’apprentissage de leur fonction de réaction désormais plus complexe. Même si les banques centrales feront tout pour lisser la « sortie », cela générera immanquablement de la volatilité. C’est probablement cet apprentissage qui alimente actuellement les incertitudes sur l’évolution des décisions monétaires.
Les banques centrales ne prendront aucun risque avec la reprise
A juste titre, les investisseurs se sont inquiétés de l’évolution des futures décisions monétaires. Clairement, on ne devrait pas sortir sans heurt d’une politique monétaire aussi durablement ultra-accommodante.
Pour autant, les banquiers centraux n’en sont pas encore à l’étape d’envisager la sortie, notamment du côté de la Fed. D’abord, les banquiers centraux américains ont fait leur mea culpa : ils ont reconnu qu’en se posant trop tôt la question de la stratégie de sortie en 2011, cela a réduit l’efficacité de la politique monétaire accommodante et mis en danger la reprise économique. Ensuite, même s’ils peuvent ralentir le rythme d’achat d’actifs autour de la fin d’année, ils ne le feront que progressivement et pourraient même considérer de détenir jusqu’à échéance leur portefeuilles de MBS, ce qui revient in fine à assouplir les conditions monétaires. Enfin, ils ont clairement indiqué que l’ensemble de la courbe des taux constituait désormais un instrument de la politique monétaire ; dit autrement, ils ne devraient pas tolérer une tension trop forte des taux longs qui appartiennent désormais à leur arsenal de la politique monétaire.