L’année 2011 a été marquée par une phase de crise systémique majeure qui a plongé l’ensemble des banques européennes à des niveaux de valorisations que nous n’avions pas connus depuis 2009. Nous revenons sur la crise qui a marqué 2011 et sur les perspectives sur le secteur bancaire pour 2012.
Que s’est-il passé ?
L’accord conclu par les gouvernements européens le 21 juillet 2011 a propagé la crise souveraine au système bancaire européen.
Ce phénomène contamination était en gestation depuis décembre 2010. Pour justifier le coût du sauvetage de la Grèce auprès de leurs populations, les gouvernements européens développent l’idée d’une forme de participation du secteur privé au sauvetage des banques et de la Grèce.
Cette idée, connue sous le nom de « Burden Sharing » prend forme en décembre 2010 à travers un projet de directive communautaire.
Le 21 juillet 2011, les banques sont appelées à « participer volontairement » au sauvetage d’un Etat souverain en consentant un abandon de leurs créances (le fameux « haircut » de 21% sur la dette grecque).
Cette participation des banques au plan de sauvetage de la Grèce brise un tabou : la dette souveraine des Etats de la Zone Euro n’est plus sans risque alors même qu’elle est encore considérée comme telle dans la règlementation bancaire et assurancielle. Elle met également en évidence le fait que si les politiques peuvent imposer aux banques de prendre des pertes sur les créances qu’elles détiennent sur les Etats de la Zone Euro pour des motifs politiques et donc pour des raisons arbitraires, il devient alors impossible d’évaluer de manière fiable la situation financière des banques européennes.
Il s’en suit un phénomène de vente massif des valeurs bancaires, tous types d’instruments confondus : actions et obligations.
Les banques ne tardent pas à comprendre que les investisseurs leur reprochent de détenir des dettes émises par les Etats souverains de la Zone Euro. Elles s’engagent rapidement dans des opérations de communication sur leurs expositions aux dettes souveraines et de ventes massives : à titre d’exemple, le portefeuille de dettes souveraines de la Société Générale comprenant l’Italie, l’Irlande, l’Espagne, le Portugal et la Grèce fond littéralement et passe de 17 milliards d’Euros le 31 décembre 2010 à 5 milliards d’Euros le 30 septembre 2011.
Cette spirale infernale ne tarde pas à provoquer des hausses massives du coût de financement de l’Espagne et de l’Italie.
Le système bancaire et les perspectives de refinancement de la dette des Etats de la Zone Euro semblent dangereusement compromis en l’absence massive d’intervention de la BCE.
Quelles sont les perspectives de sortie de crise ?
Il faut rétablir la confiance dans le risque souverain de la Zone Euro et faciliter le refinancement des Etats qui la composent.
La première tâche des européens consiste donc à briser le cercle vicieux dans lequel les Etats ont engagé les banques après l’accord du 21 juillet 2011 en rétablissant la confiance dans le secteur bancaire.
Contrairement à ses homologues britanniques et américains, la BCE n’est pas le prêteur de dernier ressort des Etats. En revanche, dans le Système Européen de Banques, la BCE est le prêteur de dernier ressort des banques. Dans ce cadre, ce sont les banques qui constituent la clé du refinancement des Etats.
Parmi les diverses mesures annoncées depuis l’été, trois d’entre elles présentent un intérêt réel dans la résolution de la crise.
Qui sera recapitalisé et à quelle hauteur ? Comment fonctionneront ces recapitalisations ? Et surtout, pour les investisseurs, quel sera l’impact sur la dette hybride bancaire ? Ce sont ces questions qu’aborde ici Philip Hall, Gérant Quantitatif Crédit Volatilité et Président (...)
L’augmentation des fonds propres des banques à 9% en créant un coussin de capital supplémentaire dimensionné selon leur exposition au risque souverain de la Zone Euro, permet aux banques de détenir des dettes souveraines de la Zone Euro sans que cela les mette en péril.
L’intervention du MES ou de l’EFSF dans le cadre d’opération de réassurance ou de garantie de dettes souveraines permettra aux banques de diluer leur exposition par souverain et réduira ainsi également le besoin en capital règlementaire.
Ces deux mesures pourraient être perçues par le marché comme permettant de « dérisquer » les banques de la Zone Euro des risques souverains.
La BCE a annoncé le 14 décembre une série de mesures destinées à assouplir les conditions de financement des banques.
Le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement de l’Eurosystème est abaissé à 1%. La BCE a prévu deux opérations de refinancement à 3 ans, dont l’une est déjà intervenue en décembre 2011 pour 485 milliards d’Euros. Enfin, les critères d’admission des actifs au refinancement de la BCE sont élargis : « Une Banque Centrale Nationale peut accepter à titre de garantie aux opérations de politique monétaire de l’Eurosystème des créances privées qui ne satisfont pas aux critères d’éligibilité de l’Eurosystème. » (Article 4§1 de la décision de la BCE du 14 décembre 2011 publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne du 22 décembre 2012).
La mise en place de la facilité de prêt à 3 ans à 1% par la BCE permet aux banques de fournir une liquidité à moyen terme à des coûts sans commune mesure avec les niveaux théoriques de refinancement des banques dans le marché (1% contre 4% en moyenne pour des établissements comme SG ou BNPP).
La combinaison de ces mesures permet aux banques de se refinancer pour des montants illimités à trois ans et, en théorie, de financer les échéances des souverains de la Zone Euro avec un coussin de capital supplémentaire adapté.
Il est toutefois peu probable que les banques décident de s’engager dans le refinancement des souverains de la Zone Euro sans que ces derniers aient restauré un minimum de crédibilité dans la gestion des finances publiques.
De ce point de vue, la réforme institutionnelle engagée reste soumise aux aléas de la procédure législative européenne de modification des traités. Afin d’éviter les obstacles d’une procédure législative à 27, les européens ont décidé de s’engager dans la négociation d’un nouveau traité. Cette nouvelle phase de la construction européenne est une bonne nouvelle, mais son achèvement prendra du temps.
Après 2011, où la défiance envers le risque bancaire l’a emporté depuis l’été sur toute rationalité, 2012 s’annonce ainsi comme un millésime plus favorable au secteur bancai