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QE4 : le cadeau de Noël de M. Bernanke pourrait-il être empoisonné ?

La dernière mesure politique phare de la Fed pourrait être favorable à la croissance de l’économie américaine et aux actifs risqués. Cependant, Peter van der Welle, Stratégiste chez Robeco, s’inquiète de la grande tolérance à l’égard de l’inflation et de la vulnérabilité accrue du marché aux surprises réservées par l’économie réelle.

Malgré l’éventail de mesures extraordinaires déjà prises, Ben Bernanke a encore une fois surpris les marchés en dévoilant la dernière phase d’assouplissement quantitatif (QE4) de la Réserve Fédérale américaine lors de la réunion du Federal Open Market Committee des 11 et 12 décembre. La surprise est venue de l’annonce faite par son président concernant la mise en place, pour la première fois, de seuils numériques pour ses opérations de politique monétaire.

La principale déclaration de la Fed a été qu’elle maintiendrait son taux directeur entre 0 et 0,25 % « tant que le taux de chômage restera supérieur à 6,5 % et que l’inflation prévisionnelle de un à deux ans reste inférieure à 2,5 % ».

Les conditions nécessaires à la fin de l’intervention de la banque centrale sur les marchés sont désormais clarifiées. Précédemment, la Fed utilisait des indications temporelles lorsqu’elle se prononçait sur ses taux directeurs (à l’image de la terminologie « au plus bas pendant une période prolongée ») au lieu d’attribuer des objectifs aux variables économiques réelles.

La gamme d’outils de répression financière a été élargie

Ce changement à des conséquences financières importantes. Premièrement, il faudra que le taux de chômage, qui s’établit actuellement à 7,9 %, recule à 6,5 % avant de voir une hausse des taux d’intérêt. Deuxièmement, M. Bernanke est disposé à accepter une inflation plus élevée. Le plafond de 2,5 % qu’il a mentionné est supérieur de 50 points de base à l’objectif de 2 %. Cette tolérance accrue devient ainsi un autre instrument de la boite à outils de répression financière de la Fed.

Une hausse de l’inflation éroderait la valeur de la dette en souffrance du secteur privé, contribuant au processus de désendettement de l’économie américaine. En étant prédisposé à accepter une inflation supérieure à l’objectif officiel, M. Bernanke accepte qu’une volatilité accrue de l’inflation à long terme soit le prix à payer pour une croissance économique supérieure à court terme.

Pourtant la Fed a conscience des dangers d’une volatilité plus forte de l’inflation. Elle affirme qu’elle utilisera des informations supplémentaires dans le cadre de son processus de prise de décision, notamment « les différents mesures des conditions du marché du travail, les indicateurs de pressions et de prévisions inflationnistes et les données sur les développements financiers ».

Un QE flexible qui va se poursuivre au même rythme

Les autres outils du dernier programme de la Fed sont plutôt conformes aux attentes. Elle a annoncé la fin de l’opération Twist, le programme de liquidité de marché par lequel la Fed achète des obligations du Trésor à long terme tout en cédant du papier à court terme afin de diminuer les taux longs.

Il est cependant à noter que la banque centrale ne cesse pas d’injecter des milliards de dollars dans l’économie via ses rachats d’obligations. En fait, elle compense la fin de l’opération Twist par des rachats fermes d’obligations du Trésor à long terme, à raison de 45 milliards de dollars par mois. En conjuguant cela au rachat de 40 milliards de dollars de titres adossés à des créances hypothécaires (MBS) chaque mois, la Fed restera acheteuse à hauteur de 85 milliards par mois. Cet engagement est flexible.

La nouvelle approche présente des avantages...

Comment interpréter ces évolutions ? Premièrement, Ben Bernanke a réorienté de manière significative ses instruments politiques afin de respecter le double mandat de la Fed, à savoir encourager un taux d’emploi maximum et garantir la stabilité des prix.

Deuxièmement, il ne fait aucun doute que M. Bernanke s’inquiète de l’impact de la falaise fiscale et de la croissance économique obstinément modérée aux États-Unis. Cette décision a confirmé son engagement en faveur d’un environnement à taux faibles, et a rappelé sa détermination à stimuler la croissance économique.

Troisièmement, opter pour un mode de communication conditionnel supprime la discordance d’anticipation qui faisait partie intégrante du mode temporel, où les marchés essayaient continuellement de deviner la manière dont réagirait la Fed à l’environnement économique. Cette transparence accrue pourrait bien augmenter la crédibilité de la Fed.

...mais également des risques

La nouvelle approche présente cependant des risques. Premièrement, la politique de tolérance accrue vis-à-vis d’une inflation supérieure à l’objectif officiel pourrait déstabiliser les prochaines prévisions inflationnistes. Cela pourrait nuire à l’efficacité des achats d’obligations du Trésor en contraignant la Fed à ralentir, voire à interrompre, le rythme de ses rachats afin de respecter sa déclaration.

Deuxièmement, il n’est pas évident de savoir comment la Fed gèrera un pic d’inflation temporaire supérieur à son plafond de 2,5 %, notamment après une crise du cours du pétrole. Un tel scénario est très probable compte tenu des tensions géopolitiques dans plusieurs régions productrices de pétrole. Dans un tel cas de figure, la Fed devra probablement maintenir sa politique inchangée, eu égard à ces circonstances exceptionnelles.

Ce cadeau est-il empoisonné ?

Ce changement de politique témoigne d’un engagement renforcé de la Fed en faveur d’un environnement à faibles taux d’intérêt et de la détermination de la banque centrale à stimuler la croissance économique. De ce fait, les rendements des bons du Trésor américains devraient rester faibles ou proches de leurs niveaux actuels.

D’une certaine manière, le nouveau programme politique de la Fed peut être interprété comme le cadeau de Noël de Ben Bernanke au marché. Cependant, comme lorsque l’on vous offre une bouteille de votre alcool préféré, vous pourrez en subir les effets secondaires négatifs d’un abus, cette fois-ci sous la forme d’une répression financière.

Oui, cette politique présente des avantages certains, car elle devrait doper les prévisions de croissance et être favorable aux actifs risqués. Or la gueule de bois serait doublement pénalisante. Non seulement une hausse potentielle de l’inflation constitue une crainte, mais la proportion croissante d’obligations du Trésor en circulation détenues par la Fed, toutes échéances confondues, créée également des distorsions dans le processus de formation des prix des capitaux. Ces positions de la Fed rendent le marché plus vulnérable aux surprises réservées par l’économie réelle.

Peter van der Welle Janvier 2013

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