Les hedge funds fascinent par leur fonctionnement atypique : leurs spécificités semblent être un coût d’accès important pour des performances parfois impressionnantes, souvent hétérogènes, et dont la persistance n’est pas toujours assurée. Opacité des stratégies, manque de transparence, liquidité parfois restreinte, information limitée, frais importants, autant de contraintes qui interpellent alors même que l’élément le plus important est inobservable : le talent réel du manager.
Dans « Rewarding Trading Skills Without Gambling », Igor Makarov (London Business School) [1] et Guillaume Plantin (Toulouse School of Economics) [2]s’intéressent à la forme optimale du contrat liant le manager à ses clients pour que la capacité réelle à créer de la valeur ne soit pas artificiellement dissimulée par des prises de paris hasardeux. L’article, partant d’une modélisation individuelle des objectifs du, fournit un cadre crédible et cohérent justifiant de certains faits stylisés classiques, qu’ils soient statistiques ou contractuels. L’article se démarque notamment de la littérature en montrant que limiter la capacité du fonds peut contribuer à maintenir un haut niveau de performance, tout en expliquant dans certains cas la persistance des rendements.
En soulignant que le gérant est aussi préoccupé par l’évolution de sa carrière et de sa réputation, les auteurs indiquent que plusieurs facteurs peuvent influencer la prise de paris court-termistes, risqués, en lieu et place d’un investissement pensé, pour combler artificiellement un déficit de réputation. Trois facteurs particulièrement importants peuvent intervenir pour expliquer cette dérive dans la prise de risque :
la différence de perception par les investisseurs, de la capacité des managers talentueux et de celle de ceux qui ne le sont pas, notamment via des grandeurs observables comme le Sharpe ratio ;
le rendement d’échelle des performances du gérant, à savoir sa capacité à reproduire ses performances pour un actif sous gestion plus important (la taille du fonds étant une des composantes du modèle) ;
l’impatience du gérant à augmenter sa réputation, les gérants les plus sûrs ayant bien entendu une vue de long terme.
Les « espoirs déchus » et les gérants aux faibles performances sont bien entendu les plus enclins à modifier leur attitude. Mathématiquement, le modèle présenté spécifie l’utilité du manager : les prises de risques inconsidérées peuvent intervenir lorsque cette dernière devient non-concave. Cette modification (éventuellement temporaire) des préférences du gérant peut être induite par une problématique personnelle concernant avant tout sa carrière ou sa réputation.
En conclusion, l’article s’intéresse donc à un sujet sensible : la forme du contrat optimal entre un gérant de fonds et ses clients. En répondant ainsi à une question que s’était souvent posée la littérature, les auteurs montrent que d’une problématique « individuelle » (l’incitation donnée au gérant) peuvent résulter des effets néfastes pour les investisseurs et la stabilité financière en général.