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Retour sur les notions de liquidité

La notion de liquidité est souvent utilisée à tort et à travers. Il est important de la définir afin de ne pas tout confondre : liquidité des marchés financiers, liquidité bancaire au sens ALM, liquidité reglémentaire et liquidité macroéconomique sont des grandes familles dont la comprehension permet de preciser le contour d’une crise de liquidité.

LA LIQUIDITE SUR LES MARCHES FINANCIERS

- Il y a ce que l’on appelle la liquidité d’une classe d’actifs qui signifie la capacité à transformer en liquidité telle ou telle classe d’actifs sans risque de marché prononcé (au sens d’une perte de valeur brutale de l’actif récupéré). Il n’y a par exemple jamais crise de liquidité sur certaines classes d’actifs (monétaire pur sauf cas extrêmes de fraude de tel gérant-dépositaire – mais là on rentre non plus dans des considérations de risques financiers mais des considérations de risques opérationnels) ; mais par contre, il y a toujours crise de liquidité sur certaines autres classes d’actifs (gestion alternative, private equity). Peu importe, tout cela est connu et considéré comme normal.

- Il y a aussi ce que l’on appelle la liquidité des instruments financiers. Ici il s’agit de liquidité au sens de négociabilité. Au sein d’une même classe d’actifs, l’obligataire par exemple, les obligations d’état peuvent être plus liquides que les obligations corporate compte tenu d’un certain nombre de critères objectifs : taille des encours sur la dette émise ; contrat à terme utilisé en couverture de l’actif obligataire ; intention de gestion , existence d’un marché du repo sur le titre obligataire ; éligibilité aux appels d’offre BCE et aux futurs ratios réglementaires. Il y a donc souvent des crises de liquidité sur des actifs financiers suite à des mispricings sur ces actifs (dans un sens de surévaluation-bulle) et lorsque l’unanimisme optimiste (il n’y a que des acheteurs et le cours d’actif monte souvent absurdement) se transforme en unanimisme pessimiste (pour de bonnes ou de mauvaises raisons et il n’y a que des vendeurs donc par définition pas de marché et donc pas de liquidité.

Attention aux actifs financiers prétendus très liquides dans des circonstances de marché normales mais qui dans des contextes de crises financières vont brutalement voir leur liquidité et négociabilité se réduire sous plusieurs effets

  • ventes forcées d’actifs encore liquides compte tenu de l’incapacité de vendre d’autres actifs pourris et illiquides
  • ventes en catastrophe d’actifs sains et liquides sur lesquels les investisseurs peuvent encore réaliser des plus-values qui viendront financer les moins-values latentes ou réalisées sur d’autres actifs.

La liquidité bancaire au sens ALM

Il y a également le liquidité bancaire au sens de l’ALM (pour asset liability management ou gestion de bilan ou encore gestion actif passif) On sait que les banques ont pour fonction traditionnelle de transformer les ressources court terme (des clients ou empruntées sur les marchés) en emplois et crédits à moyen et long terme

L’activité bancaire de transformation génère donc des risques naturels au rang desquels le risque de liquidité. Ce risque est normal et existe quel que soit l’environnement macroéconomique et le contexte des marchés financiers Ce risque de liquidité que les banques gèrent se matérialise de plusieurs manières

  • le fait que la banque soit capable à tout moment de rendre la liquidité à court terme à ses clients tout en continuant à financer à très long terme ces mêmes clients.
  • la capacité de la banque à assurer le refinancement de ses crédits lorsque la ressource courte arrive à échéance.
  • la nécessite de trouver des ressources supplémentaires ou de conserver les ressources existantes pour poursuivre le refinancement de ses emplois/crédits à long terme et pour honorer le remboursement des emprunts échus

La liquidité réglementaire

On raisonne ici au niveau de la liquidité réglementaire. Il faut comprendre par là le respect de normes édictées par le régulateur pour s’assurer que les banques sont capables de faire face à des chocs de fuite de liquidité
On peut alors parler de besoins structurels de liquidité réglementaire (même si les banques n’ont aucun besoin de liquidité physique) pour respecter les ratios réglementaires. Dans la perspective de Bale 3, nous savons que deux nouveaux ratios doivent voir le jour

L’absurdité de demain, c’est que les banques se retrouvent en crise de liquidité réglementaire en non en crise de liquidité réelle.
Mory Doré

- A partir de 2013 en phase d’observation et à partir de 2015 pour publication , le LCR (pour liquidity coverage ratio) qui va mesurer la capacité d’un établissement à survivre à une période de stress intense d’une durée d’un mois. On sait que ce ratio se calculera comme le rapport entre les disponibilités à 30 jours (constituées d’actifs dits liquides) et les exigibilités à 30 jours (avec des hypothèses de fuite de liquidité selon les produits d’épargne clientèle au passif du bilan bancaire et selon leur degré de stabilité)

- Le régulateur va également exiger des banques qu’elles refinancent et adossent les crédits à long terme par des ressources à long terme avec la mise en place du NSFR (pour Net Stable Funding Ratio). Ce ratio visera, s’il est mis en œuvre, à obliger les banques à refinancer par des ressources stables (entendez par là ressources de long terme) une part importante de leurs emplois à long terme (crédits, actifs financiers, participations, immobilisations). Certes la mise en place de ce ratio NSFR est prévue pour 2019 mais les banques devront se préparer progressivement dès 2014-2016 puisque l’horizon de temps naturel de la gestion de bilan d’un établissement bancaire est de 3-5ans

L’absurdité de demain, c’est que les banques se retrouvent en crise de liquidité réglementaire en non en crise de liquidité réelle.

La liquidité macroéconomique ou liquidité Banque Centrale

Au-delà des appels d’offres normaux hebdomadaires de la BCE destinés à refinancer les banques sur une durée d’une semaine appelés MRO pour main refinancing operations, il y a de plus en plus fréquemment des appels d’offres extraordinaires pour pallier l’insuffisance de la liquidité interbancaire de plus long terme ou plus exactement pour se substituer aux échanges interbancaires sur toute la courbe de taux. Ces appels d’offres exceptionnels (qui constituent pourtant aujourd’hui la majeure partie de la liquidité fournie par la banque centrale) sont connus sous le terme de LTRO (pour long term refinancing operations)voire de VLTRO (pour very long term refinancing operations

On ne peut donc pas parler de crise de liquidité au sens ou celle-ci est définie ici. Au contraire, la liquidité n’a jamais été aussi abondante. Le problème est que cette surliquidité ne circulait pas ou circulait mal. On se souvient que les dépôts à 24 heures des banques de la zone Euro auprès de la banque centrale avaient atteint un record à 820 Mds€ en mars 2012 (à comparer aux montants des 2 VLTRO alloués aux banques : 489 Mds€ en décembre 2011 et 529 Mds€ en février 2012) Au total, ce que l’on retient c’est qu’une partie importante de cette liquidité a été stockée à la BCE avec un cout de portage négatif pour les banques puisque ce qui a été emprunté au taux directeur central de la BCE (1% avant juillet 2012, 0.75% après) a été pour partie reprêté sur le bas de la fourchette des taux directeurs (0.25% avant juillet 2012, 0% après)

On est en tout cas toujours dans une situation irrationnelle puisque le montant des dépôts à la BCE évolue aujourd’hui autour de 230 Mds€. Rappelons qu’en période de fonctionnement tout à fait normal du marché monétaire avant la crise des subprime commencée à l’été 2007, les montants moyens déposés par l’ensemble des banques de la zone se situaient entre 100 M€ et 200 M€ seulement (nous avons bien dit Millions d’euros). Depuis 2007, les montants moyens déposés étaient de l’ordre de 50 Mds€ à 100 Mds€ (oui nous disons bien Milliards d’euros) en période de relative accalmie.

D’ailleurs, cette situation de surliquidité banque centrale va conduire immanquablement un certain nombre d’établissements financiers à exercer partiellement leurs « Calls LTRO » à partir du 30/01/2013. En effet, à partir de cette date, les banques pourront chaque semaine rembourser une partie des LTRO de maturité 29/01/2015 et 26/02/2015 en informant une semaine à l’avance leur Banque centrale nationale. Cette échéance de fin janvier 2013 et les suivantes ne seront pas neutres sur le fonctionnement du marché monétaire de la zone Euro : puisque ces 2 VLTRO représentent aujourd’hui une part substantielle de la liquidité fournie au système par la BCE. Certaines banques pourraient essayer de montrer qu’elles n’ont pas besoin d’un refinancement à 3 ans à 0.75% prouvant ainsi leur solidité retrouvée.

Il y aura à n’en pas douter arbitrage ou dilemme entre

- d’une part un retour d’instabilité sur certains actifs financiers qui auront profité en 2012 des LTRO de Décembre 2011 et Février 2012. Notamment si la part des banques italiennes et espagnoles qui remboursent par anticipation est importante (ces établissements ayant été gros acheteurs de titres de leurs pays avec les liquidités LTRO).

- et d’autre part une meilleure perception du risque bancaire si les remboursements anticipés de LTRO sont conséquents. Attention cependant à la partie de poker menteur de certains établissements qui pourraient rembourser des sommes importantes en dépit d’une situation de liquidité pas totalement assainie juste pour accroître leur réputation aux yeux des marchés.

On voit donc que l’on peut parler de crise de liquidité ou pas selon la définition et la conception que l’on retient justement de la liquidité.

Aujourd’hui

  • il n’y a pas de crise de liquidité au sens de la liquidité de financement court terme des banques (fournie en grande partie par la banque centrale) ;
  • crise de liquidité plus ou moins importante selon les contextes de marché et selon la structure du portefeuille d’actifs détenus par les investisseurs ;
  • pas aujourd’hui de crise de liquidité au sens ALM du terme ;
  • mais demain risque de crise de liquidité au sens de la future réglementation BALE 3 et de la remise en cause du modèle bancaire pour se situer au-dessus des minima requis par les nouveaux ratios de liquidité

Mory Doré Décembre 2012

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