Next Finance English Flag Drapeau Francais
Emploi Formation Rechercher

Solvabilité II : Les conventions du modèle standard et leurs effets pervers

La réglementation Solvency II modifie la grille de lecture des compagnies d’assurance sur les performances des investissements en actifs risqués, en ajoutant un paramètre au couple rendement/ risque traditionnel....

Article aussi disponible en : English EN | français FR

Qu’est-ce que le SCR ?

La réglementation Solvency II impose un contrôle rigoureux des risques extrêmes, via une exigence en fonds propres permettant de couvrir les différents risques encourus par les compagnies d’assurance européennes.
Cette exigence en fonds propres ou SCR (Solvency Capital Requirement) correspond à une VaR 1 an 99.5% : c’est le montant de capital minimum dont l’assureur doit disposer pour absorber les pertes potentielles à horizon un an avec une probabilité de 99.5% (alors même que la durée de ses engagements peut être de 10 ans...)
Le SCR couvre tous les risques auxquels est exposée la compagnie d’assurance : le risque de marché, mais aussi le risque de contrepartie, le risque opérationnel, le risque vie, non-vie...

Le SCR est une directive actif/passif : ici nous allons nous concentrer uniquement sur l’actif avant donc toute absorption par le passif qui est propre à chaque compagnie d’assurance. De plus, nous nous focalisons sur le SCR Marché, capital règlementaire permettant de couvrir les chocs sur les investissements en actifs risqués, et dont les principales composantes sont déterminées à partir de chocs sur les taux, les spreads, les actions et les devises. Par abus de langage, nous les nommerons par la suite SCR Taux, SCR Spread, SCR Actions et SCR Change. Ces SCR intermédiaires ne constituent pas du capital réglementaire mais sont utilisés pour le calcul du SCR final après réintégration du passif.

Quelle consommation de SCR par classe d’actifs ?

Pour chaque classe d’actifs, les SCR se calculent en appliquant des chocs instantanés sur les sous-jacents et en estimant l’impact de ces chocs sur la valorisation des instruments financiers de la classe d’actif considérée. La méthodologie présentée ici correspond au modèle standard, mais les assureurs peuvent choisir d’utiliser un modèle interne.
Pour les instruments de taux, il faut calculer deux SCR, un SCR pour le scénario de hausse des taux et un SCR pour le scénario de baisse des taux.
Les chocs à la hausse et à la baisse sur la courbe des taux sont exprimés en pourcentage du niveau de taux et varient en fonction de la maturité.
Ces chocs s’appliquent sur la courbe swap zéro-coupon de la devise de référence. Par exemple, pour un taux 10 ans swap zérocoupon euro de 3.46%, le choc à appliquer dans le scenario de hausse des taux est de 42%*3.46% = 1.45%.

Le choc étant appliqué sur la courbe swap, il est le même pour tous les états de la zone euro. Ainsi, une obligation allemande et une obligation irlandaise de même maturité auront des SCR très proches !

Le SCR à la hausse des taux d’une obligation est donné par la différence entre le prix de l’obligation et le prix recalculé à partir de la courbe choquée à la hausse.
A titre d’exemple, le SCR Taux UP d’une obligation de maturité 10 ans est de 11%.

Les actions sont séparées en deux catégories  : les actions « globales » (Union Européenne ou OCDE) et les actions dites « autres » qui regroupent les actions non OCDE, non cotées, le private equity, les matières premières et l’alternatif. L’étude historique depuis 1970 estime un stress annuel de 39% pour la partie « globale » et de 49% pour la partie « autre ». Ce choc est complété par un mécanisme d’ajustement en fonction de la position dans le cycle, afin de réduire le SCR en bas de cycle quand la probabilité de hausse est importante, et de l’augmenter en haut de cycle quand la probabilité de baisse est importante. Le choc actions est ainsi ajusté de +/-10 % (de 29% à 49% pour les actions « globales », de 39% à 59% pour les actions « autres ») en fonction de la position dans le cycle. Cet ajustement est calculé sur le MSCI World. Depuis mi-novembre, le SCR actions global est au plus haut, à 49%.

Le SCR Actions total est calculé en agrégeant les SCR Actions Global et Autre avec une corrélation de 0.75.

Le SCR Crédit dépend de la sensibilité et du rating des positions crédit. Il n’y a pas de SCR Crédit sur les états de l’Union Européenne, ni sur les AAA, à condition qu’ils émettent dans leur devise locale. Les chocs appliqués sur les spreads de crédit ne sont pas les mêmes sur les investissements en titres physiques et sur les CDS. Comme le montre le tableau ci-dessous, il y a un scenario de choc à la hausse et un scenario de choc à la baisse sur les spreads des dérivés, alors qu’il n’y a qu’un scenario de choc à la hausse sur les spreads des titres physiques.

Les chocs de spread à la hausse sur les CDS sont beaucoup plus élevés que ceux sur les titres physiques, et l’écart est d’autant plus important que le rating est faible.

Le SCR crédit se calcule en multipliant le choc en spread par la sensibilité de l’instrument considéré. Par exemple, pour une obligation de sensibilité 8 et de rating BBB, le SCR est de 8*2.50% =20%, alors que le même investissement en CDS a un SCR de 8*4.50% = 36%.
On voit ici que le crédit long bien présent dans les portefeuilles d’assureurs est fortement pénalisé par Solvency II

Aussi, on remarque que les chocs sur la partie Investment Grade sont plus agressifs que sur le High Yield. Le choc actuel sur l’Itraxx Main 5Y est autour de 350bp, celui sur l’Itraxx Xover est autour de 900bp, niveau déjà atteint sur le Xover, mais celui de 350bp n’a jamais été atteint sur le Main !

Le floor en sensibilité sur les titres physiques pénalise les investissements court-terme. Ce choc n’étant pas appliqué sur les dérivés de crédit, pour les maturités courtes il peut être moins coûteux d’investir sur les CDS. Par exemple, pour un émetteur AAA de maturité 6 mois, même si le choc dérivé (130bp) est supérieur au choc titres physiques (90bp), il est moins coûteux en SCR d’investir sur le CDS. Ce n’est plus le cas pour un émetteur B ou

Comment évoluent les SCR des différentes classes d’actifs en fonction des conditions de marché ?

Les chocs appliqués sur la courbe des taux étant exprimés en pourcentage du niveau des taux, plus les taux sont bas, plus le choc est faible. Le graphique ci-dessous illustre la variation du SCR Taux UP en fonction de l’environnement de marché.

Dans le contexte actuel de taux bas, une possible remontée des taux implique un double risque : un risque de perte sur les portefeuilles obligataires et un risque de remontée du SCR. Cette observation est bien sûr à nuancer en fonction de la capacité d’absorption du passif.

Le SCR Actions varie en fonction de l’écart entre le MSCI World et sa moyenne mobile 3 ans (mécanisme d’ajustement dit « dampener ») : ce point très important peut encore faire l’objet d’aménagement par les autorités de tutelle.

En 2004-2005, la hausse du SCR intervient dans un contexte de marchés haussiers (l’écart à la moyenne mobile se réduit, augmentant le terme d’ajustement et donc le SCR). En revanche, depuis le début de l’année 2010, le MSCI World est en hausse tandis que l’Eurostoxx 50 est en baisse, donc la hausse de SCR pour les actions européennes intervient dans un contexte de marché baissier. Le manque de stabilité du SCR actions est donc contraignant, au-delà du niveau absolu déjà pénalisant pour les actions. En revanche, le SCR Crédit est beaucoup plus stable car les chocs sont exprimés en niveau absolu de spread : pour un niveau de rating donné, la volatilité du SCR Crédit est quasi-nulle.

Comment calcule-t-on le SCR d’un portefeuille ?

Pour chaque portefeuille on calcule d’abord les SCR intermédiaires (Taux UP, Taux DOWN, Crédit, Actions, Change, etc) en agrégeant les SCR intermédiaires des différentes positions (approche par transparence dans la mesure du possible).

Le SCR Marché d’un portefeuille s’obtient en agrégeant les SCR intermédiaires des différentes classes d’actifs qui le composent à partir de matrices de corrélations dans les deux régimes de hausse et de baisse des taux. Là encore, ce sont des niveaux de corrélations extrêmes qui ont été retenus et le potentiel de diversification est très limité car les niveaux de corrélations proposés par le CEIOPS sont largement supérieurs à ceux observés. A titre d’exemple la corrélation entre les taux et les actions peut aller jusqu’à 0.5, niveau jamais atteint, même en 1994. Finalement, le SCR Marché du portefeuille est le maximum entre le SCR Marché du scenario de hausse des taux et celui de baisse des taux.

Quels sont les thèmes de recherche associés à Solvency II ?

La réglementation Solvency II modifie la grille de lecture des compagnies d’assurance sur les performances des investissements en actifs risqués, en ajoutant un paramètre au couple rendement/ risque traditionnel. Deux thèmes de recherche en découlent : l’adaptation des modèles d’allocation d’actifs afin d’intégrer la notion de SCR et la recherche de solutions d’investissements optimisant la contrainte de SCR. Nous travaillons actuellement en étroite collaboration avec les équipes de gestion et les commerciaux sur ces deux sujets.

Noémie Hadjadj-Gomes Février 2011

Article aussi disponible en : English EN | français FR

Tags


Partager

Facebook Facebook Twitter Twitter Viadeo Viadeo LinkedIn LinkedIn

Commentaire
Publicité
Dans la même rubrique
Rubriques