Depuis 5 mois, les Indiens bénéficient d’un traitement de faveur : alors qu’ils sont habitués aux bisbilles sans fin et à la paralysie engendrée par une succession de gouvernements de coalition, la victoire retentissante aux élections en mai dernier du parti de Narendra Modi, le parti Bharatiya Janata, leur a permis de voir pour la première fois depuis 1984 la majorité parlementaire remportée par un seul parti. Et en bonus pour la communauté des investisseurs, les Indiens ont mis au pouvoir à la majorité absolue le premier gouvernement de centre droit qui soit favorable aux entreprises depuis l’indépendance du pays en 1947.
Les bureaucrates indiens dans la ligne de mire
Grace au fait que son parti tienne fermement les rênes de pouvoir, Narendra Modi a pu prendre à bras le corps des problèmes restés sans solution depuis longtemps et qui entravaient la croissance économique du pays.
Il a, par exemple, mis en évidence que la faiblesse indienne ne venait pas d’une absence de réformes, mais de l’absence de l’exécution de ces réformes : bien trop de projets sont restés coincés dans le labyrinthe d’une bureaucratie hypertrophiée.
Les mesures mises en place pour améliorer le processus d’approbation ont permis à 176 projets d’être validés, pour une valeur de 104 milliards de dollars sur les 376 milliards examinés [1] – une aubaine pour l’économie indienne.
Dans un registre un peu plus radical, Narendra Modi a donné son accord à l’introduction d’un système de surveillance électronique des heures de travail des fonctionnaires. Ceux-ci ayant, parmi la population indienne, la réputation d’être fainéants, tout un chacun peut dorénavant se connecter à tout moment sur un site internet pour avoir une idée, en temps réel, du nombre de fonctionnaires réellement à leur poste. Ce système, développé en marge de l’introduction des cartes d’identité biométriques, est si précis que les utilisateurs peuvent également consulter les fiches de présences d’un fonctionnaire en particulier. Jusqu’à 100 000 fonctionnaires participeront finalement à un plan qui, selon nous, devrait in fine bénéficier aux entreprises indiennes, en accélérant leurs tractations avec l’administration.
Un coup de pouce de l’économie
Les débuts prometteurs de Narendra Modi ont été aidés par la reprise de l’économie indienne. Le FMI a récemment relevé ses prévisions de croissance pour le PIB indien de 5.4% à 5.6% et continue de prévoir une accélération de la croissance à 6.4% pour 2015 [2]. L’inflation, que le gouvernement précédent avait eu du mal à maîtriser, a fini par se calmer et devrait, selon nous, diminuer plus que ce que les analystes prévoient, ouvrant la voie à une baisse significative des taux d’intérêt. Nous estimons en effet que la banque centrale indienne pourrait, l’année prochaine, être en mesure de baisser les taux d’au moins 200 points de base par rapport à leur niveau actuel de 8%.
La chute récente des prix du pétrole, si elle se maintient, pourrait également profiter à l’économie indienne.
Les importations de pétrole brut représentent 36% de la facture totale des importations indiennes, et des études ont montré que chaque baisse de 10% du prix du brut a pour conséquence de faire gagner jusqu’à 0.25% de croissance, tout en réduisant le déficit courant du pays de 0.5% et son déficit budgétaire de 0.2% [3]. Plus important pour les prévisions de taux d’intérêt, cela pourrait aider à faire baisser l’inflation d’environ 0.8/1% [4]. Avec le prix du pétrole en baisse de près de 25% depuis son pic de mi-juin, les implications sont claires [5].
Pas de répit pour les réformes
Pour soutenir la reprise indienne, il est selon nous important que le Premier Ministre fasse passer des réformes, telles que l’introduction d’une taxe sur les biens et services, et le plus tôt sera le mieux. En attendant, nous avons bon espoir que les changements qu’il met en place aujourd’hui dans le processus de planification du pays jettent les bases qui rendront possible la réalisation des grands projets d’infrastructure qu’il a promis, notamment l’établissement de corridors dédiés au fret et à l’industrie et la création de 100 nouvelles villes « intelligentes ».
Dans ce contexte, nous sommes selon nous dans une situation inhabituelle où l’économie indienne se porte bien et ce dans tous les secteurs. Les exportateurs, qu’il s’agisse de services informatiques ou de produits manufacturés, profitent encore de la baisse de la roupie de l’année dernière. Les dépenses domestiques montrent des signes de retournement, avec les ventes de voitures et de deux-roues qui ont considérablement augmenté depuis deux mois [6]. Certains des grands projets d’infrastructure qui avaient été mis de côté au moment des élections n’ont pas encore été remis en route mais nous sommes confiants sur le fait qu’ils le seront bientôt.
Parmi nos secteurs de prédilection se trouvent actuellement le secteur financier, les biens de consommation et dans une moindre mesure les valeurs technologiques.
D’une manière générale, le marché actions indien devrait être stimulé d’ici peu par un regain d’intérêt de la part des investisseurs domestiques, dont l’attrait pour l’or et l’immobilier s’est émoussé à mesure que le prix du métal précieux a chuté et que la croissance des prix du marché immobilier s’est calmé.
Bien que nous restions confiants quant aux perspectives des actions indiennes, il faut garder en tête que l’Inde n’est pas isolée et est susceptible d’être touchée par les tendances qui ont cours sur les marchés émergents mondiaux. L’économie indienne est, selon nous, basée sur des fondamentaux suffisamment différents des autres économies émergentes comme la Chine, la Russie ou le Brésil pour maîtriser toute menace de contagion économique. Cependant, si pour une raison ou une autre, les investisseurs décidaient soudainement de se retirer des marchés émergents dans leur globalité, les actions indiennes n’en sortiraient très probablement pas indemnes.