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10 à 12 Mds € d’emprunts structurés présentent un risque potentiellement élevé !

Selon Didier Migaud, président de la Cour des comptes, les emprunts dont le taux d’intérêt est basé sur des écarts d’indices hors zone euro, ou comportant des effets de levier devrait être interdit…

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Selon Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, l’enquête de son institution montre la diffusion très large des produits structurés, quelle que soit la catégorie de collectivités, et quelle que soit leur taille.

Selon lui, les données chiffrées sur la structure de la dette des collectivités locales demeurent opaques. Néanmoins, la Cour estime que l’encours de la dette publique locale, soit160 Md€, intègre environ 30 à 35 Mds € d’emprunts structurés dont 10 à 12 Mds € présentent un risque potentiellement élevé.

« Fort heureusement, ces risques se sont encore peu matérialisés. Ce n’est pas surprenant, puisque ces prêts commencent généralement par une période de taux d’intérêt bonifié. Un autre facteur conjoncturel a pu jouer aussi : depuis l’automne 2008, les taux du marché monétaire se sont effondrés. Dans le cadre d’emprunts à taux variable bénéficiant de cette baisse, cela a pu compenser le surcoût des emprunts structurés » analyse Didier Migaud.

D’après la Cour, les risques demeurent toutefois importants pour trois raisons :
- la structure même de ces produits, avec l’enchaînement taux bas / taux élevé ;
- leur durée, qui est plus longue que les produits classiques à taux fixe et variable,
- le fait qu’ils reposent sur des indexations fortement volatiles, en particulier lorsqu’il s’agit de parités de change ou d’écarts de parités.

« Il arrive d’ailleurs que certaines collectivités se retrouvent d’ores et déjà liées par des emprunts ou des produits dérivés dont elles ne peuvent sortir qu’en acceptant de payer un taux d’intérêt ou une soulte prohibitifs au regard des moyens financiers dont elles disposent » explique Didier Migaud.

Ces difficultés seraient cependant concentrées sur un faible nombre de collectivités. La Cour estime à quelques centaines les collectivités durablement exposées au risque, et à probablement moins d’une centaine celles gravement exposées. « Cela conforte l’une de nos conclusions du rapport annuel de février 2009 : les emprunts dits toxiques contractés ces dernières années par les collectivités locales, sont certes susceptibles d’affecter sensiblement les collectivités les plus exposées, mais ne sont pas de nature à détériorer la situation financière de l’ensemble du secteur local » se réjouit Didier Migaud.

Néanmoins, il faudrait selon lui que l’Etat tire les conséquences du développement des emprunts structurés, pour éviter que cet épisode ne se renouvelle à l’avenir malgré l’absence de risque systémique sur les finances publiques françaises dans leur ensemble.

La Cour préconise de mettre en oeuvre des mesures susceptibles de mieux sécuriser la gestion de la dette locale et mieux traduire ses particularités dans les comptes.

Le principe de la bonification temporaire et provisoire du taux d’intérêt devrait être reconsidéré. Les emprunts dont le taux d’intérêt est basé sur des écarts d’indices hors zone euro, ou comportant des effets de levier devrait être interdit
Didier Migaud

Si quelques initiatives avaient déjà été prises, une « charte de bonne conduite » notamment, initiée en 2009 par le Gouvernement, avait été conclue entre certains établissements bancaires et des associations d’élus, la Cour suggère d’aller plus loin.

« L’Etat n’a pas pris les mesures suffisantes pour empêcher le développement rapide, jusqu’à la crise financière de 2008, de contrats d’emprunts assortis de clauses reposant sur des effets de levier ou indexés sur des indices très volatils. Ces emprunts se sont diffusés d’autant plus facilement qu’ils ont été proposés notamment par les principaux établissements bancaires intervenant sur le marché des prêts aux collectivités locales. Ces banques, parfois issues d’anciens établissements publics nationaux, avaient la confiance des collectivités, dont c’étaient des partenaires de longue date » explique Didier Migaud.

Dans un premier temps, il faudrait selon lui faire le bilan de l’application de la charte de bonne conduite, qui valide le recours à des emprunts comportant de forts risques de volatilité et légitime des durées de bonification qui n’apparaissent pas justifiées. Par ailleurs, la Cour estime que le principe de la bonification temporaire et provisoire du taux d’intérêt devrait être reconsidéré. Elle recommande aussi d’interdire les emprunts dont le taux d’intérêt est basé sur des écarts d’indices hors zone euro, ou comportant des effets de levier. Au besoin, étant donné que le principe de la libre administration des collectivités locales s’applique dans les conditions prévues par la loi, les insuffisances de la Charte pourraient être compensées par des mesures de nature législative.

La Cour recommande également d’assurer un suivi des produits structurés fortement volatils qui avaient été contractés avant la crise financière et qui sont appelés à demeurer encore longtemps dans les comptes locaux.

Plus précisément, afin de prendre en compte ces emprunts les plus risqués, la Cour préconise notamment :

  1. de développer un suivi statistique de la structure de la dette publique locale ;
  2. de traduire sur le plan comptable ces risques en mettant en place un système de provisionnement obligatoire qui devrait, au minimum, avoir pour objet de neutraliser le gain transitoire induit par l’existence d’un taux « bonifié » ;
  3. de faire obligatoirement apparaître dans la comptabilité des collectivités territoriales et de leurs établissements publics les soultes éventuellement payées ou reçues lors d’opérations de réaménagement ou lors de résiliation anticipée d’instruments de couverture ;
  4. de renforcer le rôle des assemblées délibérantes en imposant la remise chaque année d’un rapport sur la gestion de la dette qui servirait de base à un débat annuel sur ce sujet couplé avec le vote du budget. Ce serait une sorte de chaînage vertueux de la dette publique locale.

Quant à l’idée, parfois lancée, d’une structure de défaisance qui prendrait en charge, pour quelques collectivités locales peu nombreuses, les emprunts les plus risqués qu’elles ont contractés dans des proportions très importantes, la Cour considère qu’il ne serait pas justifié ni opportun de donner suite à ce projet. « Ce serait, sinon, encourager le renouvellement de pratiques peu responsables » conclut Didier Migaud.

Steve Tui Juillet 2011

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