Depuis 2005, il a indirectement fait face à un prix du carbone du fait de sa production très électro-intensive et de la répercussion, par les énergéticiens, du prix du carbone dans le prix de l’électricité dans de nombreux pays. De plus, ses émissions directes n’étant pas couvertes par l’EU ETS en phases I et II, il n’a pas reçu de quotas gratuits pour compenser ses coûts carbone. Nous avons de ce fait analysé ce secteur à la recherche de preuves de fuites de carbone. En voici les résultats.
Filiale de la Caisse des Dépôts, CDC Climat développe des services aux marchés du carbone, investit dans des actifs carbone et son équipe de recherche mène des analyses indépendantes et neutres, à destination des pouvoirs publics, des acteurs du marché et du grand (...)
En premier lieu, les données sur le commerce d’aluminium primaire entre l’UE27 et non-UE27 de 1999 à 2010 indiquent qu’en Europe le niveau des importations a significativement augmenté, alors que les exportations ont baissé depuis 2005 environ. Au premier abord, le prix du carbone semble donc avoir pu conduire à cette perte de compétitivité.
Cependant, la compétitivité des producteurs européens d’aluminium est affectée par d’autres facteurs que le prix du carbone. Nous avons donc estimé économétriquement l’effet du prix de l’EUA sur les exportations nettes d’aluminium de l’UE en contrôlant les effets des prix du charbon, du gaz, de la demande intérieure et du taux de change. Nous n’avons trouvé aucune preuve que le prix de l’EUA ait eu un impact sur la compétitivité internationale de la production d’aluminium en Europe. Au contraire, c’est la forte demande intérieure et la hausse du prix des énergies fossiles qui sont apparues comme les facteurs explicatifs majeurs de la baisse de compétitivité constatée.
Ces données ont aussi abouti à un résultat encore plus intéressant. Alors que les prix des énergies primaires ont poussé à la hausse les prix de l’électricité en Europe, les pays qui ont augmenté leur part de marché avaient en commun de produire pour la plupart une part importante de leur aluminium avec de l’électricité d’origine hydraulique. Ainsi, la Norvège, l’Islande, la Russie, le Brésil et le Canada ont représenté plus de 75 % de la croissance des importations de l’UE depuis 1999.
Ceci implique donc que les pertes de compétitivité au profit de producteurs extra-européens d’aluminium primaire ont pu conduire à des réductions nettes d’émissions de CO2. Cela met en évidence une différence importante entre les objectifs des politiques de limitation des fuites de carbone et de maintien de la compétitivité locale face à la tarification du carbone. Les fuites de carbone sont une réelle préoccupation. Toutefois, des pertes de compétitivité pourraient cacher des réductions d’émissions économiquement souhaitables. Tenter de les empêcher augmenterait le prix du carbone et alourdirait les coûts pour l’ensemble des acteurs de l’EU ETS.
Dans les prochains mois, la Commission européenne développera des règles directrices en matière d’aides d’État pour compenser les émissions indirectes des industries électro-intensives, telles que l’aluminium, en conformité avec l’article 10a (6) de la directive ETS. Il sera intéressant de voir dans quelle mesure ces critères reflèteront l’objectif de prévention des fuites carbone plutôt que de protection contre les pertes potentielles de compétitivité.