L’interdiction de vendre à découvert dans la Zone Euro n’est pas parvenue à freiner la chute incessante du prix des actions et semble provoquer davantage de problèmes qu’elle n’en résout, selon une importante étude menée récemment par deux professeurs de la Cass Business School de Londres.
Face à une bourse européenne en pleine effervescence, les autorités de régulation de quatre pays de l’UE (France, Italie, Espagne et Belgique) ont imposé, le 11 août, un éventail de restrictions pour stabiliser le prix des actions et rétablir l’ordre sur les marchés. Cependant, l’étude « Short-selling bans around the world : evidence from the 2007-09 crisis » [2] menée à l’échelle mondiale, suggère que les dernières mesures prises par les gendarmes boursiers européens d’interdire cette pratique jugée spéculative, pourraient causer de sérieux dommages sur le marché financier.
La Cass Business School (Université de Londres) a examiné l’impact de cette interdiction dans 30 pays en utilisant les données recueillies entre 2008 et 2009 sur près de 17 000 titres et actions différents. Ce rapport détaillé fournit au lecteur les preuves irréfutables indiquant que la restriction des ventes à découvert a échoué à maintenir le prix des actions et qu’elle a fortement réduit la liquidité ainsi que les flux d’informations sur le marché.
Co-auteur de ce rapport, le professeur Alessandro Beber (Cass Business School) indique que : « selon notre étude, la réponse spontanée de la plupart des régulateurs financiers à travers le monde a causé un effet dévastateur sur la liquidité des marchés. Cet impact est particulièrement visible sur les titres qui disposent d’une faible capitalisation, d’une grande volatilité et donc de peu d’options négociables. »
« La chute de la liquidité est particulièrement dangereuse car elle survient à un moment où la marge entre l’offre et la demande est déjà élevée à cause de la crise. De plus, les investisseurs sont désespérément à la recherche de liquidité sur les marchés de valeurs mobilières à cause de la gelée de nombreux marchés à taux fixes. »
« Nos découvertes démontrent indiscutablement que ces interdictions se révèlent préjudiciables pour la liquidité et ne participent pas au maintien des prix. Ceci devrait indiquer aux régulateurs que les récentes interdictions de vente à découvert font plus de mal que de bien. »
L’étude, publiée dans le très respecté Journal of Finance, dresse un aperçu unique des répercutions de l’interdiction des ventes à découvert « nues » et « couvertes » dans 30 pays. Selon ses conclusions, c’est l’Italie qui a été le plus touché par l’interdiction, suivie du Danemark, de l’Australie et de la Suisse. Le professeur Beber ajoute : « Nous avons découvert que les pays qui avaient déjà des problèmes de liquidité en raison de la structure de leurs marchés de capitaux ont été les plus touchés par cette interdiction ».
L’Espagne, la Belgique, la Norvège, l’Irlande, les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont les suivants sur la liste des pays présentant les plus fortes chutes de liquidité alors que les Pays-Bas, la Corée du Sud et l’Autriche figurent parmi les moins atteints.
Le professeur Beber avance que l’interdiction a également manqué son objectif principal qui était de restaurer l’ordre sur les marchés et d’empêcher un effondrement du prix des actions. « Contrairement aux espoirs des régulateurs, toutes les preuves indiquent que l’interdiction de la vente à découvert n’a, au mieux, pas affecté le prix des valeurs, et au pire, contribué à leur chute ».
Il ajoute enfin que : « Ces résultats montrent que l’interdiction a entrainé une baisse du prix des actions en réaction aux nouvelles informations. En restreignant l’activité des traders à l’écoute du marché par des informations négatives sur les sociétés, l’interdiction de la vente à découvert a freiné la vitesse à laquelle les informations se répercutent sur les prix du marché. »