Le pays rencontre des difficultés à mettre en œuvre des réformes, en particulier en raison de son marché du travail connu pour sa rigidité. La France doit par ailleurs faire face à une montée du sentiment anti-européen car les mesures d’austérité se font sentir. Pourtant, de nombreuses choses jouent en la faveur de l’Hexagone, surtout une démographie extrêmement favorable qui le fera se démarquer de l’Allemagne dans les prochaines décennies.
Selon Léon Cornelissen, si la France est généralement considérée comme la grande malade de l’Europe, cela est toutefois exagéré. « Ce pays fait l’objet d’un grand pessimisme, aussi bien à l’intérieur de ses frontières qu’à l’extérieur. C’est ce que les Français appellent la morosité. Il ne fait aucun doute que le reste de l’Europe est un peu déçu par la faible volonté du gouvernement actuel de réformer le pays.
Le marché français du travail manque considérablement de flexibilité et son absence de compétitivité est également un sujet d’inquiétude. Dans le passé, la France disposait de grands groupes industriels déterminants et fabriquait des produits de qualité. Le fait que les standards puissent désormais devenir moins élevés, pour le secteur automobile par exemple, donne toutefois à réfléchir. La France reste en outre assez onéreuse. »
Attendre que les problèmes se résolvent d’eux-mêmes
D’après Léon Cornelissen, le président socialiste François Hollande a des points communs avec l’ancien chancelier allemand Helmut Kohl, qui avait pour réputation d’avoir tendance à essayer de ne pas s’attaquer aux difficultés. « François Hollande attend lui aussi que les problèmes économiques se résolvent d’eux-mêmes dans l’espoir que la reprise cyclique puisse sauver l’économie française, et lui-même par la même occasion. Cette attitude inquiète ses partenaires européens qui souhaiteraient voir un gouvernement plus réformiste.
Généralement, il y a toujours un pays qui reste à la traîne au sein de l’Europe, mais au bout du compte, une marée montante soulèvera tous les bateaux, y compris celui de la France. C’est le manque d’investissements de la part du gouvernement qui a freiné la croissance et l’austérité pèse aussi sur l’économie du pays. Néanmoins, les derniers chiffres du PIB indiquent une nouvelle hausse des dépenses publiques en matière de consommation et d’investissements. Il est également nécessaire que le secteur privé investisse plus en France et c’est peut-être ce à quoi nous assisterons avec la reprise qui est en cours.
De plus, l’affaiblissement de l’euro sera un atout pour la compétitivité du pays. Le Mirage, l’avion de chasse français, est de nouveau populaire, surtout au Moyen-Orient. Nous ne devrions donc peut-être pas nous faire trop de soucis. »
L’affaiblissement de l’euro sera un atout pour la compétitivité du pays
La démographie est un avantage de taille
Selon Léon Cornelissen, la croissance démographique est le principal atout de la France. « Le pays évolue de manière intéressante dans le sens où sa démographie est plus favorable que dans d’autres pays de l’Europe. Si les tendances actuelles se poursuivent, la France comptera à un moment donné plus d’habitants que l’Allemagne. La population de la France est en augmentation, de manière naturelle ainsi que par le biais de l’immigration. Sa croissance annuelle est d’environ 2 % alors que la population de l’Allemagne est en déclin. »
D’après lui, le principal sujet d’inquiétude sur le plan politique est la montée du Front National, le parti eurosceptique dirigé par Marine Le Pen, dont la popularité ne cesse de croître en raison de sa politique contre l’immigration.
« François Hollande pourrait avoir Marine Le Pen comme adversaire aux présidentielles. Il est toutefois peu probable qu’elle devienne un jour présidente de la France, surtout maintenant que l’Europe est sur la voie de la reprise. La popularité des partis eurosceptiques devrait diminuer à mesure que la zone euro se rétablit.
En effet, certains détracteurs prétendent que la France est favorisée au sein de l’Union européenne et qu’elle est autorisée à faire une entorse aux règles en matière de réduction de déficit et de mesures d’austérité. La France utilise depuis longtemps son statut impopulaire d’exception française, qui consiste à accepter des règles communes, puis à s’en exempter. Le pays est toutefois trop important au sein de la zone euro pour être traité avec sévérité.
Les critiques sont nombreuses quant au fait que la France reçoive un traitement de faveur au sein de l’Union européenne ; on lui laisse toujours une marge en matière d’objectifs de déficit public. Mais avec un gouvernement actuellement favorable aux entreprises, il serait absurde d’exercer plus de pressions sur le pays avec des objectifs plus stricts en matière d’austérité. Cette politique est donc justifiée. »
Les critiques sont nombreuses quant au fait que la France reçoive un traitement de faveur au sein de l’UE
La dette est maîtrisée
Selon Léon Cornelissen, la dette et le déficit ne sont pas particulièrement alarmants. « La France a un déficit qui représente 3,8 % du PIB et la dette du gouvernement central est supérieure à 96 %. Si cela est quelque peu élevé, la solvabilité du pays n’est en aucun cas un problème. Le marché en est le reflet, le spread sur les obligations entre la France et l’Allemagne étant très faible.
En outre, il existe une prime de risque implicite qui est très basse puisque l’Allemagne ne se séparera jamais de la France. Ces deux pays sont au cœur même de l’Union européenne ; la France est indispensable à son existence. Ainsi, le gouvernement allemand sera toujours réticent à critiquer ouvertement son voisin : la France sera toujours traitée avec le plus grand soin. »
Robeco est surpondéré sur les actions françaises et détient en portefeuille, entre autres, Axa, LVMH, Rexel, Société Générale et Total. D’après Léon Cornelissen, la France offre plusieurs entreprises de haute qualité qui présentent une bonne gouvernance et sont attractives pour les investisseurs.
« Nous sommes généralement quelque peu prudents en ce qui concerne les actions européennes, car les bonnes nouvelles sont déjà en grande partie intégrées dans les prix, mais cela n’a rien à voir avec la France et ses fondamentaux.
On assiste en effet à une légère hausse des rendements par rapport à l’Allemagne. Les obligations françaises sont ainsi considérées comme des titres d’un grand pays d’Europe à rendements supérieurs, ce qui est selon moi tout à fait justifié d’un point de vue politique et économique. »