Avec la proposition de réforme du calendrier des enchères (back-loading) actuellement mise sur la table, il est essentiel d’examiner les caractéristiques des marchés du carbone pour évaluer les implications de cette proposition sur le développement de l’EU ETS. Un droit à émettre est un nouveau type de bien qui peut être considéré comme un hybride entre une commodité et un instrument financier.
Bien que d’une part, les droits d’émission soient très similaires à des produits financiers en termes de transport et de stockage avec aucun coût associé (à l’exception de l’intérêt) ni perte de qualité, ni limites de volume, ils ont d’autre part un lien avec les commodités en tant que facteur de production de certains biens. Par ailleurs, un droit à émettre dispose d’une spécificité unique : il peut être consommé avant d’être détenu ou même physiquement disponible. Tout ceci nous amène à nous interroger sur les conséquences de ces spécificités sur le marché d’échange.
Il n’est pas nécessaire que les droits d’émissions soient achetés au moment de leur consommation physique ou de la conformité règlementaire. Ainsi, la demande de quotas d’un participant du marché du CO2 peut être satisfaite en tout temps. Par conséquent, une analyse fondamentale qui porte uniquement sur le moment où le carbone est émis ne peut pas analyser précisément quand les acteurs de marché échangeront leurs quotas. Afin d’examiner correctement l’excédent ou le déficit du marché en prenant en considération ses spécificités, il est essentiel de modéliser le comportement des participants du marché et la temporalité de leurs échanges.
En examinant l’EU ETS, il existe trois différents types de participants dont l’échéance influence l’équilibre général du marché :
Les énergéticiens : les producteurs d’électricité vendent leur électricité jusqu’à quatre ans avant la production effective pour sécuriser le prix et éliminer les incertitudes sur les prix de détail. Quand ils couvrent leur production d’électricité et pour gérer les risques de coûts relatifs à cette vente à découvert, les producteurs d’électricité se couvrent également des prix des combustibles et des émissions de CO2 qui y sont associées. Ainsi, ce secteur achète des quotas pour couvrir sa position déficitaire à découvert beaucoup plus tôt qu’elle n’a effectivement lieu en réalité.
Les industriels : la plupart des industriels sont en excédent de quotas par rapport à leur allocation gratuite. Ils peuvent soit vendre une partie de cette position excédentaire soit reporter ce surplus pour une conformité ultérieure. Par conséquent, les activités de trading de tous les secteurs industriels de l’EU ETS aboutissent à une vente partielle de leur surplus.
Les fournisseurs de crédits : de la même façon que les énergéticiens, les fournisseurs de crédits essayent d’éliminer les risques liées à la production de leur bien que sont les crédits CER et ERU. En conséquence, les crédits internationaux sont également négociés bien avant leur restitution.
Nous avons développé un modèle de marché qui intègre le comportement de ces acteurs pour analyser l’EU ETS. Notre modèle est capable d’évaluer en particulier l’impact des changements temporels consécutifs par exemple à la proposition de back-loading des quotas mis aux enchères, ou les évolutions des anticipations sur les émissions futures avec une très forte précision.
Lorsque nous analysons la proposition actuelle de {back-loading} de la Commission européenne, nous constatons que le retrait d’un volume de 600 millions de quotas permettrait de rééquilibrer le marché.Philipp Ruf
Lorsque nous analysons la proposition actuelle de back-loading de la Commission européenne, nous constatons que le retrait d’un volume de 600 millions de quotas permettrait de rééquilibrer le marché. Pour les retraits d’un volume supérieur de l’ordre de plus d’1Gt, nous prévoyons une évolution rapide de l’environnement de marché de la phase 3. Le marché sera significativement déficitaire en début de phase (2013-2016) et à moins que les quotas soient retirés définitivement du marché, le marché sera légèrement excédentaire sur la période ultérieure (2018-2020).