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La directive MIFID : une opportunité pour améliorer les processus « d’asset management »

La directive MIFID vise à protéger les investisseurs, entre autres, contre les mauvais conseils ou décisions d’investissement. Or ce degré de protection n’est nullement uniforme et varie d’un type de client à l’autre...

La directive Mifid (Markets in Financial Instruments Directive) préoccupe pas mal les esprits ces derniers temps. Cette fameuse directive vise une transparence accrue ainsi qu’une transposition des principes du marché intérieur, chères à la Commission Européenne. Elle s’applique notamment aux firmes d’investissement qui obtiennent ainsi une sorte de « passport » européen, leur permettant de « distribuer » leurs produits à travers tout le marché européen. Plus fondamentalement, la directive vise à protéger les investisseurs, entre autres, contre les mauvais conseils ou décisions d’investissement. Or ce degré de protection n’est nullement uniforme et varie d’un type de client à l’autre. Il s’agit dès lors de catégoriser les clients en différentes catégories dont professionnelles et de détail (« retail clients »). Les clients de détail étant par nature moins informés que les clients professionnels, il faut par conséquent leur assurer un degré de protection plus élevé.

Ce que nous voulons mettre en exergue, c’est que ce souci de protection qu’implique MIFID peut mener à une restructuration partielle du processus « d’asset management ». Nous employons, ici, la notion « d’asset management dans son sens le plus large. La protection à laquelle est fait allusion implique que les « asset managers » soient dorénavant capables de cerner les profils de risque des clients avec un degré de pertinence beaucoup plus poussé. Il s’agit, surtout, de catégoriser les clients de détail selon leur profil de risque. Bien sûr, il s’agit là d’un exercice auquel la plupart des « asset managers » s’adonnent depuis belle lurette. Cela dit, force est de constater que la plupart des procédures sont loin d’être scientifiques. En effet, en général, on demande au client de répondre à des questions qui relèvent de ses contraintes et de son comportement d’investissement. Chaque réponse donnant lieu à une valeur, cela permet de calculer un degré de tolérance face au risque. Ce degré de tolérance est alors mis en relation avec des produits financiers proposés au client. Par exemple, à un client plutôt agressif, on pourrait proposer un portefeuille ayant un rapport d’actions/obligations relativement élevé.

Il se trouve cependant que le processus décrit ci-dessus n’a aucune cohérence au regard de la théorie économique. En effet, le degré de tolérance face au risque ne reflète absolument pas ce que les économistes appellent le paramètre de tolérance face au risque, formellement l’inverse du paramètre d’aversion au risque. Ceci pose problème car la théorie du portefeuille permet de relier les portefeuilles aux profils de risques si ceux-ci reflètent bien le paramètre théorique d’aversion au risque. Face à ce problème, une manière de procéder consiste, non pas à demander des questions au sujet des choix d’investissements et des contraintes privées, mais plutôt, à ce que l’on appelle, éliciter son degré d’aversion au risque. De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’utiliser des techniques avancées d’économie comportementale afin de faire révéler l’aversion au risque à un individu. Ces techniques avaient été utilisées par Kahneman, psychologue mathématicien, afin d’évaluer le comportement face au risque des individus. Ses expériences ont menées à des théories comportementales qui lui ont values le Prix Nobel d’économie.

Cette approche expérimentale consiste à faire choisir des individus entre différents choix risqués, dénommés « prospects » ou « loteries ». En imposant une structure mathématique à ces choix, qui d’ailleurs est présupposée par la théorie du portefeuille, on peut estimer son degré d’aversion au risque. Cette approche s’applique à des problèmes de décision très généraux. Cela dit, dans le cadre de l’industrie financière, il s’agit de construire des « prospects » réalistes par rapport à l’évolution des marchés. L’investisseur choisit entre différents « prospects » possibles et révèle ainsi son aversion au risque. Ce qui est intéressant dans cette approche, c’est qu’en faisant ses choix il intègre ses contraintes personnelles et l’on peut ainsi évacuer les questions relatives à celles-ci.

Etant donné que le véritable paramètre de degré d’aversion au risque a été élicité, on peut utiliser des méthodes standards d’optimisation de portefeuille pour déterminer le portefeuille adéquat par type de client. Il se trouve cependant que les comportements des individus sont souvent plus complexes que ceux supposés par la théorie financière standard. Cette complexité avait d’ailleurs été révélée par des études expérimentales, telles celles de Kahneman. Ainsi, les investisseurs exhibent en général une aversion aux pertes (« loss aversion »), c’est-à-dire qu’ils désirent un portefeuille qui ne peut tomber en valeur en dessous d’un certain seuil. D’un point de vue technique, cela implique que les clients désirent une limite sur la Valeur à Risque (VàR), mesure qui indique ce que le portefeuille peut perdre sous des conditions normales de marché, c’est-à-dire non-catastrophiques. Le degré d’aversion aux pertes, quant-à-lui, peut aussi être élicité avec les techniques mentionnées ci-dessus. Le paramètre d’aversion aux pertes permet alors de fixer des limites sur la VàR.

Ceci est d’autant plus intéressant que la VàR est en outre une mesure de risque qui est utilisée dans le contrôle régulier des risques. Il faut à cet égard remarquer que cette mesure de risque a le grand inconvénient qu’elle n’est pas ce que les spécialistes dénomment « cohérente ». Cela signifie, notamment, qu’un portefeuille de risques peut donner lieu à une VàR plus élevée que la somme des VàR des risques pris individuellement. Or, un portefeuille de risques ne génère jamais de risque supérieur aux risques individuels. Ceci pose notamment problème lorsque l’on délègue des sous-compartiments de portefeuilles à différents gestionnaires. Les mesures de risque du type « expected shortfall » permettent justement de résoudre ce problème. Ces mesures évaluent les pertes moyennes susceptibles de survenir dès la VàR est excédée. Leurs propriétés permettent d’agréger différents sous-compartiments et de proposer un portefeuille proche du type de profil de risque d’un client.

Cette approche par « élicitation » permet de fonder la catégorisation des profils de risque sur une approche plus scientifique. Elle permet de se fait aux « asset managers » de se couvrir contre des actions en justice de la part de clients qui se sentiraient lésés par les produits financiers qui leurs avaient été proposés, les produits ne convenant pas à leur profil de risque. Par ailleurs, le constat que la sélection des profils de risque et la gestion des risques sont des processus intégrés peut inciter certains « asset managers » à améliorer la qualité de leurs processus de gestion. Comme quoi, des contraintes subies peuvent avoir des bienfaits non-escomptés.

Michel Verlaine Juin 2007

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