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Marchés financiers : choc local mais crise globale

L’histoire des crises des marchés financiers et leur amplification depuis une quinzaine d’années ne peut absolument pas être comprise si l’on s’en tient aux purs fondamentaux. Il faut intégrer le phénomène de contagion entre actifs financiers et de ventes forcées pour des raisons commerciales, prudentielles, réglementaires ou comptables

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On m’a souvent demandé pourquoi le prix d’un actif financier donné pouvait violemment chuter alors même que les fondamentaux de cet actif étaient parfaitement sains ? J’ai souvent répondu que les crises et périodes de stress sur les marchés étaient généralement accompagnées de ventes forcées indépendentes des fondamentaux des actifs.

Illustration avec les indices boursiers (aux Etats-Unis, dans la zone euro) : nous savons que l’évolution de ceux-ci est clairement liée depuis 2007 au phénomène de l’aversion pour le risque sous toutes ses formes (risque bancaire, risque souverain…). Ce phénomène a créé une rupture des liens entre les indices boursiers et les fondamentaux traditionnels des marchés actions : perspectives de croissance, résultats des entreprises, taux d’intérêt (quelques tests économétriques simples le démontrent par ailleurs). Mais il n’y a pas que l’aversion au risque. En fait, l’histoire des crises des marchés financiers et de leur amplification depuis une quinzaine d’années ne peut absolument pas être comprise si l’on s’en tient aux purs fondamentaux. Il faut intégrer le phénomène de contagion entre actifs financiers et de ventes forcées pour des raisons commerciales, prudentielles, réglementaires ou comptables

1. Contagion entre actifs liée au besoin de cash

On ne fait pas référence ici à la liquidité que l’on évoque pour mésurer la possibilité de céder plus ou moins facilement un actif financier sur un marché secondaire.

La folle course à la liquidité et à la solvabilité des marchés

Certains marchés financiers présentent des dysfonctionnements depuis près de 4 ans. La course à la liquidité et au respect des contraintes de solvabilité pour des banques et certains états budgétairement fragilisés n’a été et n’est assurée que par des dispositifs de financement et de (...)

- Il s’agit par exemple d’un investisseur institutionnel dans l’incapacité de vendre des actifs pourris et illiquides et qui est confronté à des besoins de liquidités pour des raisons diverses et variées (respect de ratios réglementaires, seuil d’alerte atteints sur stop loss, anticipations de demandes de cash de la part de clients) ; Cet investisseur sera alors forcé de vendre des actifs sains et liquides, accélérant la déconnexion entre le prix de tel actif et sa valeur fondamentale.

- On peut aussi citer dans des périodes de grand stress type faillite de Lehman à l’automne 2008 la situation de fonds spéculatifs à fort effet de levier qui, confrontés à une forte sous performance de leurs stratégies, devaient rembourser par anticipation les financements octroyés par les primes brokers et répondre à des appels de marge ; cela revenait donc à vendre à n’importe quel prix leurs actifs et arbitrages ; sans parler de la faillite de certains fonds qui ont conduit certains établissements bancaires à vendre les milliards de USD de titres qu’elles avaient reçus en garantie de la part de ces fonds.

Ce phénomène de ventes forcées ne doit pas être sous-estimé dans les périodes de stress sur certains actifs financiers dont les encours de détention par les fond spéculatifs sont élevés (on pense naturellement aux emprunts d’état de pays tels que l’Espagne ou l’Italie)

2. Contagion entre actifs pour des raisons prudentielles et réglementaires

Cela va conduire tel établissement à vendre par exemple des titres dont le rating est dégradé et / ou dont la consommation de fonds propres devient trop importante pour ne pas dégrader ses ratios de solvabilité.

En vendant des actifs en perte, vous récupérez de la liquidité mais vous dégradez votre solvabilité. Si vous ne vendez pas, vous devez donc vous refinancer dans des conditions de plus en plus difficiles et vous vous apprêtez à vivre une crise de liquidité.
Mory Doré

3. Enfin, dans le prolongement de la contagion précédente, il y a la contagion entre actifs pour des raisons comptables

Dans le cadre du pilotage de leur compte de résultat semestriel et surtout annuel, on voit très souvent des investisseurs ou banques vendre des actifs sains sur lesquels ils peuvent encore réaliser des plus values qui viendront financer les moins-values latentes ou réalisées sur d’autres actifs. Là encore l’on verra la valeur de certains actifs se déconnecter de ses fondamentaux

On comprend dès lors mieux pourquoi une crise dans un secteur donné ou un pays donné ou concernant une institution financière se transforme en crise financière mondiale. On a fait mine de découvrir depuis 2007 que l’activité bancaire était systémique en ce sens qu’elle pouvait avoir des conséquences dramatiques sur la stabilité du système économique d’un pays ou d’un groupe de pays. Ces risques systémiques sont accrus par des phénomènes de contagion et de mimétisme qui transforment une crise locale en crise globale

Marchés financiers et prophéties auto-réalisatrices.

Ce phénomène correspond au passage brutal d’un équilibre économique et financier à un autre sans justification par les fondamentaux macroéconomiques mais plutot une modification des anticipations des marchés.

A la différence de la grande crise des années 1930 et de nombreuses crises du XXème siècle, nous vivons aujourd’hui dans un système économique beaucoup plus instable pour au moins 3 types de raisons
- plus de sophistication et de complexité des instruments financiers avec toujours plus d’innovations financières. Que les régulateurs ne maîtrisent pas complètement
- mondialisation et interactions entre les acteurs avec plus de risques de voir survenir une crise systémique potentielle.
- normes comptables et prudentielles pro-cycliques, c’est-a-dire qu’elles peuvent accentuer les périodes de dépression ou, à l’opposé, le gonflement des bulles. Ceci crée des risques permanents de crise de solvabilité pour tous les acteurs (entreprises, ménages, états..) lorsque les bulles éclatent et que les prix d’actifs financiers surévalués se retournent violemment.

L’enseignement que l’on retire de tous ces développements, et notamment pour les banques est le suivant : en vendant des actifs en perte, vous récupérez de la liquidité mais vous dégradez votre solvabilité (les pertes impactent négativement le niveau de vos fonds propres) ; si vous ne vendez pas, vous devez donc vous refinancer dans des conditions de plus en plus difficiles et vous vous apprêtez à vivre une crise de liquidité.

Mory Doré Avril 2012

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