Le tarissement de la demande ETS
Le prix du CER a été jusqu’à présent étroitement corrélé au prix de l’EUA avec un écart entre le prix des deux actifs qui a historiquement varié entre 0,15 et 4 €. Et pour cause : l’EU ETS est de loin la première source mondiale de demande en CER. Mais cette source devrait se tarir dans les années qui viennent. Sans modification de la réglementation européenne, la quantité totale de CER et d’ERU utilisables dans l’EU ETS serait limitée à 1 600 millions sur la période 2008-2020 ; 300 millions avaient été utilisés au 30 avril 2011.
Bien sûr, quelques centaines de millions de crédits ont d’ores et déjà été achetés au comptant ou à terme pour la conformité « Kyoto » des États membres de l’Union européenne et du Japon. Ce sont autant de crédits qui ne sont pas destinés à l’EU ETS. À l’inverse, il est vraisemblable que certaines installations de l’EU ETS n’exploitent pas pleinement le potentiel d’utilisation de crédits Kyoto pour leur conformité, ce qui réduit d’autant la limite quantitative théorique.
Même en prenant en compte l’entrée en vigueur de restrictions qualitatives au 1er mai 2013 sur l’origine des CER, le modèle de CDC Climat Recherche prévoit que l’offre en CER et ERU éligibles à l’ETS devrait dépasser les 1600 millions d’unités dès le deuxième semestre 2013. Ainsi, à l’horizon 2014-2015, l’EU ETS devrait perdre son rôle de locomotive du marché des crédits Kyoto. Cette anticipation semble d’ailleurs intégrée par les marchés :
l’écart de prix entre EUA et CER a triplé depuis le printemps 2010 ; et
le très faible écart de prix – quelques centimes d’euros – entre les CER éligibles et
non-éligibles à l’EU ETS pour les contrats à livraison en décembre 2013 reflète le
peu de cas que font pour l’instant les marchés de l’éligibilité à l’EU ETS à ce terme.
D’autres sources de demande ?
Si la demande en CER (et ERU) pourrait se réduire nettement une fois le plafond d’utilisation de l’EU ETS atteint, d’autres sources de demandes existent jusqu’en 2020. Au premier rang d’entre elles se trouve la possibilité qu’ont les États européens d’utiliser des crédits Kyoto pour leur conformité 2013-2020 à la directive sur le partage de l’effort (Effort Sharing Decision), à hauteur de 3 % de leurs émissions hors EU ETS en 2005. Cette demande, estimée entre 400 et 800 millions de tonnes, est complétée par quelques centaines de millions de tonnes qui pourraient être absorbées sur la même période par les marchés australien et néo-zélandais.
Il y aura donc un marché pour les CER après le tarissement de l’EU ETS. Mais les centaines d’utilisateurs industriels de CER seront remplacés par deux douzaines d’États européens. Le marché devrait donc être beaucoup moins liquide et faire baisser la part relative des contrats à terme : les rapports State and Trends of the Carbon Market de la Banque mondiale montrent depuis plusieurs années que les États se couvrent nettement moins que les entreprises sur leurs besoins futurs en CER.
Marché oui, éventuellement sans cotation, certainement centré sur un petit nombre de gros clients… du moins en l’absence de nouvelles sources de demande : approfondissement des engagements des pays développés, ou apparition d’une demande des pays émergents dont la Chine pour les CER générés sur leur territoire. Ce qui n’est pas à exclure à l’horizon 2014-2015.