Vu la multitude de fonds d’investissement existant sur le marché, il peut paraître difficile de faire la part des choses an termes de qualité. En outre, d’un point de vue intégration des marchés, les processus de gestion des fonds devraient du moins être partiellement harmonisés. De ce fait, la Commission Européenne régule cette industrie afin de protéger les investisseurs. UCITS III a introduit la notion d’une gestion des risques appropriée dans les fonds d’investissements. Il revient notamment au « board of directors » de mettre en place un processus de gestion et de contrôle des risques adéquat. Il s’agit notamment de définir les limites de risques et de contrôler si ces risques restent dans des limites acceptables. Il faut dès lors noter que la responsabilité du directoire est engagée au cas où les limites fixées ne seraient pas respectées. De ce fait, les mesures de risques, leur exactitude ainsi que la manière dont elles sont communiquées revêtent un rôle primordial.
La gestion des risques se conçoit typiquement selon trois piliers. En premier lieu, il s’agit de fournir une vue globale et intégrée de la gestion des risques. La définition des limites de risques globales incombe au « board of directors ». La politique de gestion des risques, les processus de suivi et de recours, la fixation de limites en fonction de l’aversion au risque sont ici définis. Quant au deuxième pilier, il concerne les fonctions de monitoring du risque qui comprennent le suivi des limites de risques ainsi que la fixation des mesures de risque appropriées au type de fonds. Enfin, le troisième pilier traite plus particulièrement des problématiques de mesure et d’évaluation des risques. Il s’agit d’analyser et transformer les données en provenance du fonds en informations pertinentes. Il est important de remarquer que même si le « board of directors » ne peut s’exonérer de la responsabilité relative au troisième pilier, les deux autres piliers peuvent du moins être partiellement délégués à des tiers.
Un contrôle effectif et adéquat nécessite cependant une vision intégrée du processus de gestion des risques. A cet égard, une communication effective revête une importance primordiale. Ceci implique un processus de « reporting » efficace et adéquat. De ce fait, le degré de détail ainsi que la fréquence du « reporting » doit dépendre du public cible. Ainsi, il est clair qu’au niveau du monitoring des risques le détail des modèles utilisés est important, alors que le « board » quant-à-lui se préoccupe surtout de l’interprétation des mesures de risques et ceci par rapport aux limites fixées. A cet égard, force est de constater que la définition de ces limites de risques ne se base, du moins en général, aucunement sur une base scientifique.
Notre argumentaire vise deux objectifs. Mettre en lumière l’existence de risques souvent mal perçus par les mesures de risques standards. Il s’agit du risque de modèle et d’estimation. L’impact de ces risques étant mesuré en effectuant des tests de robustesse. En deuxième lieu, il s’agit de montrer que ces problèmes peuvent être traités et intégrés dans une gestion des risques globale. Cette gestion se base sur l’étalonnage de mesures de risques du type Value at Risk (VaR).
Notons tout d’abord que la prise en compte des corrélations entre différentes variables implique qu’en général il est nécessaire de calculer la VaR de manière paramétrique. Or, l’estimation de modèles donne lieu à ce que l’on appelle risque de modèle et risque d’estimation. On parle alors de robustesse du modèle statistique. Par risque de modèle, désigne-t-on le fait que l’on peut avoir estimé le mauvais type de modèle. Par exemple, on a supposé une relation linéaire entre les facteurs de risques, alors que la relation est non-linéaire. A cet égard, il est bien connu que la plupart des produits dérivés ou stratégies alternatives génèrent des rentabilités non-linéaires par rapport au marché. En ce qui concerne le risque d’estimation, il s’agit du fait qu’avec l’échantillon de données limité il se peut que les valeurs estimées ne reflètent pas correctement la réalité. Il faut noter que même si les modèles statistiques nous fournissent des valeurs précises, il ne faut pas perdre de vue que ces valeurs ne sont rien d’autre qu’une valeur parmi un ensemble de réalisations dans un intervalle de confiance possible.
Comment traiter ce genre de problèmes ? En fait, au lieu de considérer une distribution de rentabilité donnée, il s’agit de déterminer une famille de distributions de rentabilités susceptibles d’avoir été générées par les données. Par exemple, on suppose souvent que les rentabilités composées en temps continu sont distribuées selon une loi normale. Or, un grand nombre d’actifs financiers sont sujets à ce que l’on dénomme « tail risk », c’est-à-dire la probabilité de réalisation d’événements extrêmes est supérieure à celle donnée par la loi normale. Il se trouve que souvent différentes familles de distributions statistiques peuvent expliquer les rentabilités observées. Une manière de résoudre ce genre de problèmes c’est d’évaluer les risques avec la distribution la plus défavorable. La mesure de risque est alors robuste. Cette approche en terme de robustesse s’applique particulièrement à des mesures de risque dérivées de la VaR. Il s’agit de la mesure expected shortfall, qui a l’avantage d’être cohérent peu importe les processus statistiques, ce qui n’est pas le cas de la VaR. Par cohérent, on veut dire que la mesure respecte un certain nombre d’axiomes et que de ce fait elle a des propriétés d’agrégation des risques adéquates, c.-à-d. qu’on peut agréger les expected shortfalls des différents compartiments d’un portefeuille.
C’est justement cette propriété qui permet de formuler une approche intégrée de la gestion des risques. En effet, on peut alors procéder à une approche top-down. On peut formuler une frontière d’efficience qui traduit la relation entre expected shortfall et rentabilité. Théoriquement, plus l’expected shortfall est élevé, plus la rentabilité espérée devrait être élevée. Le board peut alors choisir un expected shortfall désiré en fonction de son aversion au risque. Vu la propriété d’agrégation de la mesure expected shortfall, les limites de risque peuvent alors être déduites pour les différents compartiments du fonds. Aussi, pour chaque compartiment du fonds l’expected shortfall est calculé avec la distribution de rentabilité la plus risquée. Cette approche top-down permet donc de définir des politiques et limites de risques ne partant de la limite globale fixée par le « board ».