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Vers Bâle IV ?

Les précédents textes réglementaires du comité de Bâle ont à chaque fois été des réponses à des crises majeures du système financier mondial. Cependant, alors même que le secteur bancaire n’a pas fini de se conformer à « Bâle III », plusieurs nouveaux textes réglementaires sont déjà en cours préparation. L’analyse de Louis Faye, Manager chez PWC...

Les précédents textes réglementaires du comité de Bâle ont à chaque fois été des réponses à des crises majeures du système financier mondial. Cependant, alors même que le secteur bancaire n’a pas fini de se conformer à « Bâle III », plusieurs nouveaux textes réglementaires sont déjà en cours préparation. Le fort impact que ces textes auront dans l’industrie bancaire amène un nombre croissant de professionnels à les considérer comme pouvant être la base du futur accord « Bâle IV ».

En mars 1973, le système de taux de change fixe, instauré lors des accords de Breton Woods s’écroule et entraine beaucoup d’établissements financiers dans la tourmente. HERSTATT une petite banque Allemande dont les trop fortes expositions en change représentaient le triple de ses fonds propres fait faillite en juin 1974, incapable de survivre dans le monde des taux de change flottants. Elle manqua de peu de faire chuter plusieurs banques Outre-Atlantique. Cet incident déclencha une vraie prise de conscience du risque systémique que les banques font subir à l’économie mondiale. Ainsi en décembre 1974 les gouverneurs des banques centrales du G10 décident de créer l’instance qui deviendra le comité de Bâle et qui se réunit trois ou quatre fois par an depuis février 1975.

En juin 1981, pour stopper l’inflation galopante consécutive au deuxième choc pétrolier, Paul Volcker augmente fortement les taux directeurs de la FED. Cette hausse des taux déséquilibre l’économie mondiale est à l’origine de crises profondes dans les pays en voie de développement avec notamment le défaut de l’état du Mexique en Août 1982. Les banques qui avaient massivement prêtées au Mexique se trouvent en grande difficulté. Cette crise majeure contribua à montrer la faiblesse de la capitalisation des banques face au risque de crédit. Ainsi afin d’assurer plus de stabilité au système bancaire l’accord de « Bâle I » est adopté en juin 1988 et exige aux banques un ratio minimum de fonds propres égal à 8% des engagements sur les crédits accordés.

Mais « Bâle I » n’arrive pas à empêcher plusieurs crises dans un monde bancaire en perpétuel mouvement. En février 1995 un seul homme arrive à faire couler la BARINGS, plus ancienne banque d’affaire Anglaise de l’époque. En juin 2004 l’accord de « Bâle II » voit le jour et constitue une grande avancée dans la gestion des risques des banques. Désormais une approche en trois piliers est mise en place pour gérer les risques. Le premier pilier modifie le calcul des exigences en fonds propres ; ainsi si le ratio des fonds propres minimums est laissé à 8%, le calcul du risque de crédit est affiné, de plus le risque de marché et le risque opérationnel sont désormais pris en compte dans de ratio des fonds propres. Le deuxième pilier définit des procédures de surveillance et de gestion des fonds propres en donnant plus de pouvoir au régulateur. Le troisième pilier fixe aux établissements bancaires une nouvelle discipline de marché en leur imposant certaines règles de transparence et la publication d’informations précises.

Pourtant « Bâle II » est à peine mis en place qu’en 2007 une crise financière - la crise des subprimes - d’une violence inégalée depuis la crise de 1930 frappe le monde financier. Elle atteindra son apogée en septembre 2008 avec la chute de la prestigieuse banque d’affaire Américaine LEHMAN BROTHERS. Elle aurait sans doute plongé dans le gouffre le système financier international si la mobilisation des gouvernements des pays occidentaux n’avait pas été à la hauteur. Devant l’urgence, le comité de Bâle met d’abord en œuvre les mesures CRD3 (Capital Requirement Directive 3) connus sous le nom de Bâle 2.5 en juillet 2009 pour renforcer les fonds propres au titre du risque de marché des banques, avec de nouvelles exigences en fonds propres sur les instruments de crédit responsables de la crise par le biais de la titrisation. Puis en décembre 2010 le comité de Bâle adopte l’accord « Bâle III ». Si « Bâle III » n’est pas la révolution qu’on annonçait, il constitue tout de même une avancée majeure dans la recapitalisation des banques. Lors de la crise des subprimes, une forte défiance entre les banques avait entrainé une crise aigüe de liquidité ; la solvabilité et les fonds propres des banques s’étaient révélés assez vite insuffisants. « Bâle III » a essayé de répondre à ces différents problèmes avec comme axe majeur un fort renforcement des fonds propres des banques. La qualité des actifs admissibles dans les fonds propres est améliorée et le ratio minimum de fonds propres passe de 8% à 10,5%. Des nouveaux fonds propres au titre du risque de contrepartie et du risque de liquidité voient également le jour.

La mise en place complète de « Bâle III » sera effective en janvier 2019. Pourquoi parle-t-on d’un futur accord alors qu’il n’y a pas eu de crise majeure en finance depuis la crise des subprimes ? Cette fois le comité de Bâle n’agit pas en réaction ; à défaut d’empêcher une future crise, le comité de Bâle souhaiterait au moins limiter l’ampleur d’une future crise et éviter les situations périlleuses rencontrées par le passé. Plusieurs constats ont été faits depuis 2008 :

  • La taille du « trading book » [1] des banques a encore beaucoup augmenté, et de plus les règles permettant de dire qu’un instrument doit être affecté au « banking book » [2] ou au « trading book » sont assez floues permettant ainsi aux banques de faire des arbitrages pour réduire artificiellement le coût de leur risque.
  • Les mesures de risque au sein des banques sont très hétérogènes et sous-estiment souvent les risques engendrés par des chocs de marché extrêmes. De plus si les modèles internes permettent aux banques d’optimiser leurs ressources en fonds propres, leurs diversités rendent compliqué la comparaison des banques entre elles.
  • Les données utilisées aujourd’hui dans les banques n’ont pas toujours une qualité suffisante pour permettre une bonne estimation des risques.
  • La mesure et la gestion des risques sur les instruments de crédit et les instruments de titrisation devraient être repensées même s’il y a eu des améliorations depuis Bâle 2.5.
  • Contrairement au risque de liquidité, le risque de taux n’a pas été abordé dans les mesures prises pour la gestion du risque dans le « banking book ».

Les nouveaux textes de Bâle tentent d’apporter des réponses à chacun des points précédents. L’utilisation des modèles internes sera plus contraignante ; désormais les modèles standards des banques seront plus sophistiqués et plus sensibles au risque.

Si une banque utilise un modèle interne elle devra quand même estimer son risque en modèle standard afin d’être plus facilement comparable aux autres banques.

Les modèles standards et/ou internes de calcul de risques de marché, de risques de contrepartie, de risques de crédit et de risques opérationnels vont être améliorés, ce qui engendrera des impacts énormes sur les modèles de risque. Ces textes vont entrainer des changements importants dans la stratégie business des banques et dans l’organisation de leurs équipes. De lourds impacts en termes d’infrastructure informatique et de gestion de données sont également anticipés.

Au vu des gros changements à venir, il n y a qu’un pas à faire pour dire que ces nouveaux textes sont la base d’un accord qui s’appellera très probablement « Bâle IV ».

Louis FAYE Janvier 2016

Notes

[1] Portefeuille comportant les actifs qui ont vocation à faire l’objet de négociation court terme.

[2] Portefeuille comportant les actifs qui ont vocation à être détenu jusqu’à leur échéance.

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