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Comprendre la question grecque

L’objectif de ce court papier est de fixer simplement les idées sur la situation en Grèce. Il y a plusieurs problématiques posées. La première est celle de la croissance. Sans progression de l’activité, le rééquilibrage des finances publiques est très difficile à mettre en oeuvre. La seconde est celle de la nécessité d’une aide. La troisième et dernière est celle du renouvellement de l’aide.

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L’IMPORTANCE DE LA CROISSANCE

La question posée par la Grèce est celle du rééquilibrage des finances publiques lorsque la croissance n’est pas au rendez vous. Depuis la fin de l’année 2008 l’activité économique se contracte en Grèce. A partir du point haut du 3ème trimestre 2008, le niveau du PIB en volume a reculé de -10 % (soit -4.1 % en taux annualisé) et en valeur de -7.1 % (soit -2.9 % en taux annualisé).

Ce repli de l’activité est problématique pour les finances publiques lorsque l’objectif premier est de stabiliser le ratio dette publique sur PIB. En effet, la dynamique de ce ratio est fonction du solde budgétaire primaire (recettes moins dépenses hors paiement des intérêts sur la dette) et de l’écart entre le taux d’intérêt portant sur la dette publique et le taux de croissance nominal du PIB. On comprend bien l’idée. Le solde primaire s’il est négatif alimente l’accumulation de la dette. Le ratio dette publique sur PIB augmente avec le taux d’intérêt (hausse du numérateur) et se réduit avec la croissance du PIB (hausse du dénominateur). Le taux d’intérêt étant positif, lorsque le taux de croissance nominale est négatif, l’effort demandé pour stabiliser le ratio dette publique sur PIB est considérable. On peut faire un calcul simple pour comprendre l’articulation entre ces différents éléments.

Si pour fixer les idées on prend le taux d’intérêt nominal à 6 % et un ratio dette sur PIB initial de 150 %. Avec un taux de croissance nominal à 0 %, il faut dégager un surplus primaire de 9 % du PIB pour stabiliser le ratio dette publique sur PIB. Si la croissance est de 4 %, le surplus permanent doit être de 2.9 % et si le taux de croissance est de 8 %, le ratio dette publique sur PIB peut être stabilisé même avec un solde primaire négatif de -2.8 %.

En d’autres termes, l’important sur la dynamique de la dette publique est le point de départ et le taux de croissance nominal de l’économie puisque le taux d’intérêt est en général défini par les conditions globales du marché.

Aujourd’hui l’économie grecque se contracte même en nominal. Il lui est impossible de stabiliser son ratio dette publique sur PIB sauf à mettre en place une stratégie budgétaire extrêmement restrictive. Le risque est qu’en étant trop restrictif cela pèse sur la dynamique de croissance. C’est ce qui avait été évoqué dans le rapport de la troïka publié le 3 juin dernier.

Cette dynamique de la contrainte budgétaire peut être plus sophistiquée avec des taux de croissance évoluant dans le temps ou un objectif de ratio dette publique sur PIB donné. Cela ne change pas grand-chose à l’analyse, la logique est toujours la même. (Pour mesurer l’effort à faire on doit comparer le chiffre de solde primaire nécessaire pour stabiliser la dette et le solde primaire de -4.7 % en 2010. Cet effort doit être permanent)

POURQUOI UNE AIDE A-T-ELLE ETE NECESSAIRE ?

La dégradation des finances publiques en 2009 a été telle que la Grèce n’a plus eu accès aux marchés financiers. Plus personne ne souhaitait prendre le risque grec. Cela s’est traduit par une hausse significative des taux d’intérêt.

Faible dynamique de l’activité, déséquilibre des finances publiques, la Grèce ne pouvait plus trouver les moyens pour se financer à court terme et les perspectives de moyen terme étaient très dégradées. L’aide de l’Europe, de la BCE et du FMI a eu pour objectif d’assurer ces financements manquants.

En contrepartie, la Grèce s’est engagée à mettre en oeuvre une politique plus rigoureuse visant à réduire son déficit public afin de converger vers le niveau qui permettrait à terme de stabiliser le ratio dette publique sur PIB.

Le premier objectif a été de réduire les dépenses publiques. Celles-ci avaient progressé rapidement depuis le début de la crise. Il fallait revenir déjà au niveau d’avant crise. Le deuxième point est l’amélioration du rendement de la fiscalité.

Les tâches étaient bien définies. Au gouvernement grec les mesures restrictives sur le budget, à la troïka le financement de ce gouvernement.

Cela n’a cependant pas bien fonctionné pour 2 raisons. L’économie grecque n’a pas réussi à s’intégrer dans la dynamique de la reprise mondiale des échanges. Ce n’est pas le seul pays en Europe dans cette situation, même la France n’a pas eu une performance à l’exportation à la hauteur de la reprise du commerce mondial. L’autre raison est que la dynamique du cycle grec était très dépendante des dépenses publiques. L’effort fait sur la réduction des dépenses a pesé sur l’activité et l’emploi.
En conséquence, l’activité est restée très médiocre et l’emploi s’est très rapidement dégradé. Entre mai 2008 et mars 2011, le nombre de chômeurs a progressé de 150 %. Le marché intérieur ne pouvait pas progresser et doper la croissance.

En 2010, l’économie grecque a continué de se contracter alors qu’une reprise s’observait dans tous les pays européens.

POURQUOI UNE NOUVELLE AIDE ?

La contraction continue de l’économie n’a pas permis l’amélioration souhaitée des finances publiques en ce début d’année 2011. Les chiffres publiés sur les 5 premiers mois de l’année sont un peu dégradés par rapport à ceux de 2010 sur la même période. Le déficit budgétaire est un peu plus important que l’an dernier et surtout le déficit primaire (solde hors paiement des intérêts sur la dette) est nettement plus important que l’an dernier.

En d’autres termes, le plan mis en oeuvre au printemps 2010 n’a pas été un succès. Les questions posées l’an dernier sont toujours posées avec un peu plus d’acuité. La contraction de l’activité explique une partie de ce résultat mais le plan lui-même a pu être mis à caution. Les expériences passées qui ont largement été rappelées au moment de sa mise en oeuvre n’étaient pas similaire car dans tous les cas, il y avait une variable qui s’ajustait et permettait à l’économie de retrouver rapidement une dynamique de croissance. Généralement cet ajustement passait par une dévaluation du taux de change. Ici une telle manoeuvre n’est pas possible. Les ajustements nominaux passent par les coûts salariaux qui par nature et par contrat ne peuvent pas s’ajuster spontanément.

Le processus est long. De ce fait une partie de cet ajustement s’est fait sur l’activité et l’emploi, pénalisant encore davantage le processus de rééquilibrage des finances publiques. La conséquence majeure est que Grèce n’a toujours pas les moyens de faire face à ses engagements. Elle demande une nouvelle aide. Cependant il faut distinguer entre les mesures immédiates et celles de plus long terme.

La première étape, à court terme, est la mise à disposition de la tranche de 12 Mds d’euros à la fin du mois de juin 2011. Il est nécessaire à court terme au financement de l’économie grecque. Ce versement fait partie du plan mis en place au printemps 2010. Son versement est cependant conditionné à l’examen par la troïka de la situation grecque. C’est le rapport remis le 3 juin 2011 dans lequel il était fait mention de progrès insuffisant. L’octroi de ces 12 Mds ne pourrait se faire qu’avec la mise en oeuvre d’un nouveau plan restrictif visant effectivement à réduire le déséquilibre des finances publiques. Ce plan vise à réduire le déficit public de 28.4 Mds à l’horizon. Le déficit public passerait de 7.4 % espéré en 2011 à -1.1 % en 2015. Il passera principalement par une réduction des dépenses (-8 % du PIB sur les dépenses hors intérêts entre 2011 et 2015). Les recettes n’augmenteront que de 0.6 % sur la période. Il y a aussi sur la période 50 Mds de ventes d’actifs. Qui achètera ces actifs est la question importante car sur les 10 dernières années les investisseurs étrangers n’ont acheté que pour 2 Mds d’USD en net tous les ans. On est loin du compte.

La seconde est l’incapacité de la Grèce à trouver des liquidités sur le marché. Il faut assurer le financement de la Grèce à moyen terme. C’est l’idée d’un second plan d’aide qui viendrait en complément de celui mis en place au printemps 2010. Il aurait une dimension mêlant les investisseurs privés. L’idée est alors de repousser les maturités des papiers arrivant à échéances au cours des prochaines années. Il n’y a, dans ce cas, pas besoin de lever des capitaux pour rembourser immédiatement les investisseurs. Le remboursement aurait alors lieu plus tard lorsque la situation macroéconomique sera mieux orientée.
Cette restructuration de la dette devra se faire sur une base volontaire. Il faudra connaitre les conditions de prolongation des actifs et veiller à ce que les clients des porteurs de ces dettes ne soient pas lésés ; l’institution porteuse des actifs grecs doit agir dans l’intérêt du client.

CONCLUSION

La situation reste très fragile puisque la Grèce a une telle dégradation de ses finances publiques qu’elle ne peut pas faire face à ses engagements. Il n’est pas certain que la contraindre davantage arrangera l’affaire des grecs et réduira l’incertitude.
Le risque est de renforcer les tensions au sein de la société grecque, provoquant forcément des interrogations sur le modèle mis en oeuvre. C’est pour limiter le risque d’un tel doute que les européens doivent intervenir rapidement, fortement et dans la durée. La difficulté est d’éviter que la situation actuelle ait un impact et se diffuse au reste des pays européens.
Le problème soulevé est celui d’une dette élevé dans un pays au sein duquel la croissance ne repart pas puisqu’handicapé par une politique restrictive visant à stabiliser cette dette publique. Il n’y a pas de variable d’ajustement qui permettrait de rapidement redonner de l’allant à l’économie grecque. Il faut donc redonner des moyens à celle-ci en cantonnant la dette jugée comme excessive, qui est celle qui paralyse le gouvernement grec. Avec des modalités à définir, le fonds de stabilisation européen pourrait s’y atteler ou pourquoi pas la BCE en suivant l’exemple de la Fed qui est intervenu sur le marché des MBS pour ôter une partie du risque des marchés financiers.
Il est clair que dans le même temps, cette dette sortant des comptes grecs, les règles de fonctionnement de la Grèce devront être changées pour éviter ces effets perturbants pour l’ensemble de l’économie de la zone Euro mais aussi de l’ensemble de l’économie mondiale.

Philippe Waechter Juin 2011

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Voir en ligne : Focus - Crise Européenne

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