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Gouvernements et agences de notation

On a raison de critiquer les agences de notation pour au moins trois raisons. Mais alors existe-t-il pour autant une théorie du complot contre l’Euro via certaines agences comme on l’entend ici ou là ? Comment doivent réagir les gouvernements face aux marchés et aux agences de notation ?

TROIS GRIEFS MAJEURS À L’ENCONTRE DES AGENCES DE NOTATION

- 1/ Tout d’abord, il y a le phénomène des prophéties auto-réalisatrices et l’actualité de la crise des dettes souveraines montre le rôle trop contra-cyclique des agences. En effet, envisager la possibilité de défaut d’un emprunteur souverain de la zone euro en le downgradant systématiquement est forcément auto-réalisateur. La hausse des taux d’intérêt qu’entraîne cette situation accroît la probabilité d’insolvabilité

- 2/ Les agences de notation n’interviennent jamais avec un timing très approprié. Soit les dégradations de certaines signatures sont trop tardives posant alors le problème de l’utilité des agences ; soit au contraire ces dégradations interviennent trop « tôt » en plein plan de consolidation des finances de l’émetteur, ce qui, comme on l’a vu plus haut, a pour effet d’être auto-réalisateur en détériorant la solvabilité de l’entité downgradée par la hausse des taux d’intérêt induite.

- 3/ Enfin, les agences ne brillent pas par leur compétence et leur irréprochabilité non pas sur les notations des émetteurs classiques que sont les souverains, les banques et les corporate mais pour leur notation des émissions structurées complexes. Il ne faut pas oublier la complaisance des agences de rating compte tenu de leur positionnement juge et partie quant à la notation de ces émissions complexes : mieux elles notaient, plus elles favorisaient la commercialisation de l’émission notée et plus elles étaient largement commissionnées. Je me souviendrais toujours de ces émissions structurées notées AAA en avril 2007 et dégradées de 6 à 7 crans six mois plus tard parce-que ces agences n’avaient pas pu ou voulu comprendre la dangereuse complexité de ces structures. On pense notamment aux fameux CPDO pour constant proportion debt obligation, la pire espèce de produit que la finance de marché ait imaginé : à coup d’effets de levier, plus les marchés devenaient risqués avec une hausse de la prime des risque sur les émetteurs, plus vous empruntiez pour prendre du risque et inversement. En se basant sur le fait que les spreads de crédit reviendraient toujours vers une moyenne.

ALORS EST CE QU’IL EXISTE UNE THÉORIE DU COMPLOT CONTRE L’EURO VIA CERTAINES AGENCES COMME ON L’ENTEND ICI OU LÀ ?

Une sorte de complot anglo-saxon contre l’Europe. Nous ne le croyons pas, mais ce que nous pouvons dire est que les américains, par exemple, ont plutôt intérêt à ce que les turbulences perdurent dans la zone Euro et que par là même la monnaie européenne ne parvienne pas à supplanter de sitôt le dollar en tant que monnaie de réserve internationale.

Pourquoi ? Les Etats-Unis doivent maintenir une base importante d’investisseurs non résidents pour continuer à acquérir des Treasuries afin de financer les déficits budgétaire et commercial US. Et il faut donc que le dollar reste la monnaie de réserve internationale malgré les handicaps structurels de l’économie US et surtout que l’Euro ne devienne pas une alternative crédible au dollar. On peut penser que tant que des doutes persisteront sur la crédibilité de l’euro, les Etats Unis ne s’en plaindront donc pas. Donc peut-être pas de complot US mais il ne faut pas compter sur les US pour tempérer les critiques sur la construction monétaire européenne (aux européens, me direz-vous de faire taire ces critiques en réformant leurs institutions)

CE QUE LES GOUVERNEMENTS DOIVENT FAIRE COMPRENDRE AUX MARCHÉS ET AUX AGENCES DE NOTATION

Les politiques doivent comprendre qu’il ne sert à rien de faire systématiquement plaisir aux marchés et aux agences. Quand on connait l’hétérogéneité des acteurs qui composent les marchés, on finit par comprendre qu’il ne faut donc pas se laisser impressionner par leurs prétendus messages et exigences

Politiques et marchés financiers : des incomprehensions qui ne datent pas d’aujourd’hui

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Par exemple, les marchés et agences exigent la vertu budgétaire et donc que les déficits soient réduits drastiquement en omettant de dire que de telles pratiques auto-entretiendraient la récession ; on sait bien que dans le même temps si ces déséquilibres budgétaires des pays fragiles étaient réduits sauvagement, alors ces pays risqueraient de subir de nouvelles attaques sur leurs dettes publiques , les marchés financiers invoquant alors le fait que ces politiques cassent la croissance et donc ne peuvent permettre aux déficits de diminuer. En clair, quoique les politiques fassent, les marchés risquent de sanctionner

La politique budgétaire doit donc être intelligente et être repensée (la règle d’or qui consiste coûte que coûte à équilibrer les comptes publics est absurde). Cela veut dire qu’il faut distinguer entre les bonnes et les mauvaises dépenses, étant entendu que les bonnes dépenses sont celles qui sont rentables et favorisent la croissance (car il y a des investissements publics rentables de même qu’il existe des investissements privés non rentables). Il faut aussi distinguer entre les bons et les mauvais impôts, les bons impôts étant ceux qui ne découragent pas la croissance

Il s’agit donc de prouver aux marchés et agences que l’on met en place une vraie politique économique de croissance (politique de l’offre dans les pays à faible potentiel et de la demande en Europe du nord) ainsi qu’une fiscalité adaptée (taxation de la consommation presque partout et détaxation des facteurs de production délocalisables)

Avec un peu de recul historique, l’on peut dire que la disparition du risque de change avec la création de l’euro a malheureusement conduit à un relâchement des disciplines budgétaire et fiscale des pays ayant déjà des déficits extérieurs. L’Histoire se répète malheureusement et la crise des dettes souveraines en zone euro des années 2010 a remplacé la crise des changes du SME des années 1990. Pour avoir vécu en tant que professionnel ces deux types de crises (et toutes celles quoi ont existé ente ces deux périodes), je dirais que les origines et explications sont similaires

  • Il y a 20 ans, nous assistions à l’insoutenabilité de faire coexister dans le même système monétaire la lutte contre l’inflation allemande née de la réunification allemande de 1990 et la lutte contre le chômage endémique des économies française et de celle des pays d’Europe du Sud ;
  • Aujourd’hui, nous assistons à l’impossibilité de faire coexister dans la même zone monétaire le modèle de spécialisation économique industrielle des pays d’Europe du Nord et celui d’Europe du Sud (France comprise) basé sur les services souvent non exportables Avec comme conséquence observable en temps réel des pays du Nord qui ne font qu’accroître leurs excédents extérieurs et des pays du Sud leurs déficits. Ce qui signifie clairement que sans modifications institutionnelles fortes sur le plan budgétaire et politique, la zone Euro ne peut qu’imploser. Aux politiques donc de répondre à l’impatience des marchés et à la sanction des agences par des réponses fortes et appropriées.

Mory Doré Octobre 2011

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