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Qu’est-ce qui pénalise les pays industrialisés ?

La dynamique des pays occidentaux est insuffisante puisque deux ans après la sortie de la récession [1], les économies apparaissent encore incapables de mettre en place une trajectoire de croissance robuste et autonome...

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L’évolution de l’activité est aussi perçue comme asymétrique. Elle semble toujours buter sur une contrainte particulière qui ne lui permet pas de progresser plus rapidement. Cela peut être dû à une fragilité du marché immobilier ou résulter d’un endettement privé ou public trop important. En revanche, on a la perception qu’elle peut évoluer durablement sous sa tendance de long terme, maintenant ainsi une dynamique fragile notamment sur le marché du travail.
La caractéristique majeure de l’activité est donc de ne pas pouvoir progresser rapidement ni réduire les déséquilibres provoqués par la crise. Il n’y a donc pas de rattrapage des pertes liées à la récession.

Les économies développées apparaissent encore incapables de mettre en place une trajectoire de croissance robuste et autonome
Philippe Waechter

Pays industrialisés : des fragilités qui persistent ?

Ce premier signe distinctif des économies des pays industrialisés (l’absence de tensions au sein de l’appareil productif) se traduit par un taux de chômage qui reste élevé et tarde à se résorber. En conséquence, la dynamique interne ne peut pas se renforcer et donner, à l’activité, l’autonomie dont elle aurait besoin. En raison des contraintes évoquées, les anticipations des acteurs de l’économie et notamment des consommateurs, restent moroses.
La capacité à se caler sur une trajectoire plus robuste est ainsi limitée.

Cette absence de reprise, qui apparaît aujourd’hui très pénalisante, n’est pas un cas isolé dans l’Histoire. Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff [2], dans leur recension de l’histoire de l’endettement, nous expliquent que lors d’une crise financière, les mécanismes d’ajustement sont toujours plus longs à se mettre en place :
- Dans une récession, l’activité est pénalisée par un choc qui modifie les comportements et altère les anticipations. Mais en général, les effets de persistance sont réduits. Une politique économique active permet de retrouver rapidement un profil d’activité plus satisfaisant, “gommant” ainsi le coût lié à la récession.
- Dans une crise financière, la situation est plus complexe puisque cette crise traduit l’exacerbation de comportements financiers qui, à l’apogée du mouvement haussier, ne sont plus soutenables. Pour que l’activité reparte sur des bases plus saines et solides, il faut que ces excès soient gommés. Cela prend du temps.

L’ampleur de la crise est supérieure à celle d’une banale récession puisque les États ont donc dû intervenir massivement pour compenser le comportement de repli des acteurs privés (consommateurs et entreprises). Cela s’est traduit par une augmentation forte des dettes publiques. Si une telle stratégie a permis de limiter le repli de l’activité, elle peut cependant être une contrainte et un handicap dans la phase de reprise. Les États auront la tentation soit de rééquilibrer (trop) rapidement leurs finances publiques (ce qui pénalisera la demande), soit de s’abstraire des contraintes liées relatives aux finances publiques (ce qui pourrait alors nuire à leur crédibilité).
Ainsi, la leçon du passé est claire et généralement sans ambiguïté. La reprise sera longue à se profiler. Pourtant, même après deux années de croissance (même modérée), la fragilité financière continue de hanter les investisseurs. On perçoit de nouvelles sources d’affaiblissement. La question des dettes des pays périphériques ou encore celle de la négociation du plafond de la dette publique américaine maintiennent la pression sur les anticipations des acteurs économiques.

Un nouvel équilibre pour les pays industrialisés

Le modèle a probablement changé de périmètre et d’équilibre. Les repères ont aussi évolué au sein des pays industrialisés parce que les paramètres extérieurs ne sont plus similaires à ceux rencontrés par le passé. L’environnement des pays industrialisés n’est plus le même.

Pour s’en convaincre, l’analyse des contributions à la croissance mondiale nous montre que les ressorts de l’économie globale ne sont plus les mêmes. Jusqu’à la fin des années 1990, la dynamique des pays industrialisés expliquait très largement la croissance de l’économie mondiale. Ce n’est plus le cas [voir le graphique].

Désormais, les pays émergents, et principalement l’Asie, expliquent une part majeure de cette expansion. Cette nouvelle situation concurrentielle est complexe à gérer. L’impulsion de croissance ne vient plus des États-Unis ou de l’Europe mais des pays émergents. C’est en opposition avec ce qui était observé dans le passé, même récent. Les pays émergents gagnent des parts de marché limitant ainsi la capacité des pays industrialisés à trouver des sources d’impulsion capables de tirer leur activité durablement à la hausse.

Deux nouvelles ruptures

Ces changements de repères s’accompagnent de deux autres ruptures de grande ampleur.
- La première est le changement de profil du prix des matières premières. Ce dernier ne reflète plus les tensions de l’appareil productif des pays industrialisés mais la dynamique des pays émergents. Cela implique des modifications profondes dans la régulation. Désormais, les tensions sur les matières premières engendrent des signaux sur l’inflation alors qu’auparavant, ils reflétaient des pressions sur l’activité.
- La seconde réside dans la tentation pour de nombreuses entreprises de se développer là où se situe la croissance. Il ne s’agit plus de délocalisation de la production (avec réexpédition de celle-ci vers les pays industrialisés), mais d’une production locale pour satisfaire une demande locale.
Cette rupture pourrait s’accentuer encore davantage au cours des prochaines années si de nombreux pays émergents souhaitaient rééquilibrer leur croissance vers leur marché intérieur. L’attrait des pays émergents s’en trouverait accentué. Cela entraînerait aussi un développement rapide des marchés financiers leur permettant de disposer d’une plus grande autonomie de croissance.

Conclusion

Les difficultés rencontrées par l’Europe et les États-Unis proviennent donc de la double contrainte qui limite leur capacité à retrouver de la croissance.
Il y a les contraintes et les ajustements nécessaires liés à une crise financière et l’on sait que c’est un processus toujours long. Mais aussi, et c’est nouveau, l’émergence de nouveaux acteurs dont la taille, la puissance et le dynamisme modifient profondément les conditions et l’équilibre de la croissance mondiale. Les sources d’impulsion sont aujourd’hui davantage au sein des pays émergents. Pour les pays industrialisés ce doit être un signal pour réfléchir au nouveau modèle économique et social à mettre en oeuvre pour rester concurrentiel.

Philippe Waechter Juillet 2011

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Notes

[1] Si l’on prend la datation américaine du cycle économique.

[2] Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff - “Cette fois c’est différent : huit siècles de folie financière” (2009).

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