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Vers des mesures de performance des fonds robustes

Les développements récents en termes de modélisation des comportements ainsi que les théories du portefeuille laissent présager que l’industrie s’oriente vers des mesures de performances du type oméga...

La nature de la croissance économique ainsi que l’évolution démographique font que l’industrie des fonds a connu une croissance très soutenue. Aussi, les fonds sont-ils de plus en plus « distribués » à des investisseurs de détail. Ces investisseurs ont une connaissance moins approfondie des rouages et notions de la finance. De ce fait, les régulateurs ont tendance à protéger ces investisseurs en régulant l’industrie. Ceci a donné lieu à des régulations du type Mifid et Ucits III. A noter que ces régulations traitent en grande partie des procédures de gestion et de contrôle des risques. Il faut cependant noter, que l’analyse des performances des fonds elle-même est moins évidente qu’il n’y paraît. En effet, il s’agit de comparer la rentabilité du fonds à son risque, puisque dans le marché chaque risque devrait avoir un prix et donc une rentabilité attendue.

A cet égard, une des mesures les plus connues est probablement le ratio de Sharpe. Ce ratio est le rapport entre excès de rentabilité du fonds par rapport au taux sans risque et l’écart type du fonds considéré. On retrouve donc cette interprétation en termes de prix du risque. Cependant, il s’agit du risque total, alors qu’uniquement le risque systématique devrait donner lieu à prime de risque. La mesure de Treynor permet justement de prendre en considération exclusivement le risque systématique. En effet, cette mesure indique l’excès de rentabilité par rapport au taux sans risque rapporté au risque systématique, ce dernier étant mesuré par le béta c.-à-d. la covariance avec le marché. Les mesures de Treynor et de Sharpe reflètent donc assez fidèlement l’idée d’un prix du risque de marché. Ces mesures supposent néanmoins implicitement que le marché est plus ou moins efficient et que les gestionnaires n’arrivent pas à battre des indices de référence calculés à partir du CAPM.

Afin d’évaluer justement l’impact de ces anomalies de marché et la capacité des gestionnaires à les exploiter, Jensen a proposé de mesurer la performance des fonds à travers l’écart entre la rentabilité estimée avec le CAPM et la rentabilité réalisée. Les financiers connaissent cette mesure sous la dénomination de alpha. Donc, plus un fonds exhibe une performance élevée, plus son alpha est élevé. De cette mesure on peut dériver une mesure encore plus élaborée, le ratio d’information qui ramène l’alpha au risque non-systématique, c.-à-d. celui qui ne peut pas être élimina via une diversification accrue du portefeuille. Cela dit, le ratio d’information peut être formulé d’une manière plus générale, notamment comme étant le ratio de la rentabilité excédentaire au benchmark et la tracking error, cette dernière mesurant la volatilité de la rentabilité par rapport au benchmark.

Ceci met en lumière le rôle du benchmark adéquat. Bien sûr, si on suppose que le CAPM est vérifié, on tombe sur le ratio standard alpha divisé par le risque non-systématique. Cependant, si on relâche cette hypothèse, le ratio devient fortement dépendant du benchmark utilisé. A cet égard, il est intéressant de noter que deux conceptions du benchmark existent. Tout d’abord, celle de benchmarks se référant à des styles de gestion et on compare alors les rentabilités du portefeuille au benchmark représentatif de ce style de gestion. Puis celle se référant à ce que l’on appelle « return-based benchmarks » qui indique la rentabilité espérée du style de gestion, étant donné la nature des risques encourus. Il faut noter que plus le style de gestion est complexe ou spécifique, plus il est difficile de trouver des benchmarks de style adéquats. Il faut dès lors recourir à des « return-based benchmarks ».

Il s’agit ici de régresser les rentabilités de fonds sur des facteurs de risques qui sont censés déterminer la rentabilité attendue. Cette technique est connue sous la dénomination de « style-regressions » et est surtout intéressante pour mesurer les performances des stratégies alternatives comme celles des « Hedge Funds ». Cependant, cette méthode donne lieu à d’autres problèmes qui sont souvent soigneusement écartés. En effet, l’estimation de modèles donne lieu à ce que l’on appelle risque de modèle et risque d’estimation. On parle aussi de robustesse du modèle statistique. Par risque de modèle, désigne-t-on le fait que l’on peut avoir estimé le mauvais type de modèle. Par exemple, on a supposé une relation linéaire entre les facteurs de risques, alors que la relation est non-linéaire. A cet égard, il est bien connu que la plupart des stratégies alternatives génèrent des rentabilités non-linéaires par rapport au marché. En ce qui concerne le risque d’estimation, il s’agit du fait qu’avec l’échantillon de données limité il se peut que les valeurs estimées ne reflètent pas correctement la réalité. Il faut noter que même si les modèles statistiques nous fournissent des valeurs précises, il ne faut pas perdre de vue que ces valeurs ne sont rien d’autre qu’une valeur parmi un ensemble de réalisations dans un intervalle de confiance possible.

Malgré le foisonnement de mesures de performances, il ne faut cependant pas perdre de vue qu’elles supposent toutes que le CAPM est correct, hypothèse qui est loin d’être évidente. Les tests empiriques semblent plutôt indiquer que les prédictions du modèle CAPM sont médiocres. Enfin, n’oublions pas que la bonne mise en œuvre de tels modèles nécessite une estimation statistique et donc la définition d’un intervalle de temps représentatif. Par exemple, faut-il estimer les rentabilités de manière hebdomadaire, mensuelle, journalière ? Y a-t-il eu des changements des propriétés statistiques des rentabilités ? Le gestionnaire a-t-il changé de stratégie au cours du temps, ce qui aurait influencé les propriétés statistiques des performances observées ?

Les développements récents en termes de modélisation des comportements ainsi que les théories comportementales du portefeuille qui vont de pair laissent présager que l’industrie s’oriente vers des mesures de performances du type oméga. En effet, cette mesure compare la rentabilité espérée lorsque l’on est au-dessus d’une rentabilité de référence à celle espérée lorsque l’on est en-dessous de ce point référence. L’intérêt de cette mesure c’est qu’elle est cohérente avec les enseignements de la finance comportementale, c.-à-d. que les investisseurs évaluent les risques de manière asymétrique par rapport à un point de référence, ce dernier étant bien-sûr déterminé de manière subjective. A noter que la mesure oméga n’implique aucune hypothèse sur la nature des distributions des rentabilités, telle la normalité. A voir quel sera l’impact sur les stratégies d’investissement.

Michel Verlaine

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